Passé et avenir de l’acier en Hainaut et Brabant Wallon

Photo : Pierre Machiroux

Notre pré­sen­ta­tion s’articule en trois par­ties. Tout d’abord, un bref rap­pel du pas­sé récent de la sidé­rur­gie hai­nuyère et bra­ban­çonne cen­tré sur les évo­lu­tions et restruc­tu­ra­tions en 2011 et 2012. Ensuite, une pré­sen­ta­tion suc­cincte des pro­duits sidé­rur­giques d’avenir pour l’acier en Wal­lo­nie : les aciers dits « de niche ». Enfin, une pré­sen­ta­tion des entre­prises des deux bas­sins, por­teuses, à des degrés divers, de ces aciers d’avenir.

Évolutions et restructurations en 2011 – 2012

Dans le Hai­naut et à Cla­becq (le seul site bra­ban­çon), ce sont sur­tout la mise sous cocon, fin 2008, puis l’arrêt défi­ni­tif du haut-four­neau et de la phase à chaud de Car­sid à Mar­ci­nelle annon­cé le 2 août 2012, ain­si que les effets de la fin du par­te­na­riat Dufer­co-NLMK (Novo­li­petsk Steel) en 2011 qui ont rete­nu l’attention. Pour Car­sid, rap­pe­lons qu’après la fer­me­ture de la coke­rie en jan­vier 2008 et au vu d’une conjonc­ture sidé­rur­gique dégra­dée, le hol­ding SIF (une joint ven­ture déte­nue à pari­té par Dufer­co et NLMK) décide la mise sous cocon de Car­sid le 11 novembre 2008. Depuis lors, A. Goz­zi, CEO de Car­sid, a recher­ché en vain un repre­neur indus­triel pour un outil dépour­vu d’amont (absence de coke­rie) et d’aval (absence de lami­noir). Fina­le­ment, le 28 mars 2012, le groupe Dufer­co a annon­cé son inten­tion d’arrêter Car­sid. La pro­cé­dure Renault ini­tiée à ce moment a débou­ché le 2 août 2012 sur un plan social enté­ri­nant, sous diverses formes, quelque 1.004 pertes d’emplois.

Le 21 avril 2011, NLMK exerce son droit de mettre fin à la joint ven­ture SIF en s’appropriant le site de Cla­becq (630 tra­vailleurs), la par­tie « pro­duits plats » du site de la Lou­vière (1125 tra­vailleurs) ain­si que les centres de ser­vice de Jemappes et Manage (180 tra­vailleurs). Dufer­co reste pro­prié­taire de Car­sid (qui sera inté­gré dans Dufer­co Diver­si­fi­ca­tion) et de la par­tie « pro­duits longs » de la Lou­vière et de sa filiale, la tré­fi­le­rie de Tre­bos (500 tra­vailleurs) gérés par le hol­ding Dufer­co Long Products.

Pour sa part, Arce­lor­Mit­tal (AM) a filia­li­sé sa branche inox, doré­na­vant appe­lée Ape­ram, le 25 jan­vier 2011. Cette spin off — déte­nue à 40 % par la famille Mit­tal — com­prend, outre l’ex-Carinox à Châ­te­let et le site de Genk, des sites en France et au Bré­sil, mais reste gre­vée d’une dette de 700 mil­lions d’euros. Évo­quée à un moment don­né, la fusion avec le groupe espa­gnol Ace­ri­nox n’a pas vu le jour. Ape­ram Châ­te­let a été restruc­tu­ré fin sep­tembre 2011 (perte de 48 emplois sur 730). Sou­mis à un plan d’économies de 250 mil­lions d’euros d’ici fin 2013, le groupe Ape­ram a connu, au pre­mier semestre 2012, une perte de quelque 30 mil­lions d’euros. Par ailleurs, la divi­sion Indus­teel d’AM qui com­prend, outre le site de Mar­chienne (l’ex-Fafer) occu­pant 1.000 tra­vailleurs, deux sites en France, est affec­tée à la pro­duc­tion de tôles fortes et moyennes en inox et aciers spé­ciaux. Le bas­sin de Char­le­roi compte éga­le­ment deux pro­duc­teurs de pro­duits longs aux des­tins fort diver­gents : d’une part, les Lami­noirs du Ruau à Mon­ceau-sur-Sambre, filiale du groupe ita­lien Bel­trame, qui occu­paient 107 tra­vailleurs, ont fait l’objet d’un pro­ces­sus de fer­me­ture entre novembre 2011 et février 2012 ; d’autre part, Thy-Mar­ci­nelle, filiale du groupe ita­lien Riva, pro­duit avec quelque 350 tra­vailleurs, du fil machine, des treillis et des ronds à béton et a rela­ti­ve­ment bien résis­té à la crise. Enfin, les Lami­noirs du Long­tain à Bois d’Haine, filiale pro­duc­trice de tubes du groupe espa­gnol Conde­sa connaît des pertes récur­rentes, au point que ses quelque 120 tra­vailleurs craignent une pos­sible faillite. Glo­ba­le­ment, on peut esti­mer qu’en 2011 – 2012, la sidé­rur­gie en Hai­naut et Bra­bant Wal­lon a per­du quelque 1.280 emplois sur un total de 5.745 : c’est impor­tant, mais ne signi­fie pas pour autans que cette sidé­rur­gie soit dénuée de tout avenir.

Les produits d’avenir

Plu­sieurs types d’aciers, essen­tiel­le­ment des aciers plats, de très haute valeur ajou­tée, consti­tuent un ave­nir cer­tain pour la sidé­rur­gie en Wal­lo­nie, notam­ment en Hai­naut et Bra­bant Wal­lon : il s’agit de ce que l’on appelle des aciers « de niche » et ce à un double titre. D’une part, du fait de leurs carac­té­ris­tiques : ces aciers, qu’il s’agisse de tôles fines pour l’automobile ou l’emballage pro­duites par la sidé­rur­gie à froid à Liège ou de tôles moyennes et fortes comme à Cla­becq ou chez AM Indus­teel, sont à la fois très flexibles et à forte élas­ti­ci­té, à très haute résis­tance, revê­tus et/ou pré­peints, dotés de qua­li­tés anti-cor­ro­sion et réa­li­sés sur mesure en fonc­tion des demandes des clients. D’autre part, la gamme des clients peut varier, allant des pro­duc­teurs auto­mo­biles aux arma­teurs de navires, ou à des com­pa­gnies gazières pour des cuves de sto­ckage ou pétro­lières pour des plate-formes de forage. Répondre adé­qua­te­ment aux demandes pré­cises de ces clients est un défi per­ma­nent qui implique une recherche conti­nuelle d’améliorations pos­sibles, notam­ment en matière de pro­ces­sus de pro­duc­tion amé­lio­rant la qua­li­té des aciers (dont le pro­cé­dé de revê­te­ment sous vide d’Arceo consti­tue un exemple), d’où l’importance des inves­tis­se­ments en R&D.

Les aciers d’avenir en Hainaut et Brabant Wallon

Deux sites sont par­ti­cu­liè­re­ment en pointe au niveau de ces aciers d’avenir. Il s’agit d’AM Indus­teel à Mar­chienne et de NLMK Cla­becq. Indus­teel pro­duit des tôles moyennes (de 10 à 50 mm) et fortes (de 50 à 120 mm), en inox et aciers spé­ciaux (e.a. avec des alliages chrome-nickel) après lami­nage à chaud et à froid. AM y a inves­ti 35 mil­lions d’euros dans une ligne de pla­nage à froid et une ins­tal­la­tion de gre­naillage pour tôles moyennes. Dotées des carac­té­ris­tiques men­tion­nées au para­graphe ci-des­sus, ces tôles sont réa­li­sées sur mesure pour des biens rele­vant d’une clien­tèle diver­si­fiée : plate-formes off­shore, cuves de trans­port et de sto­ckage de gaz, tan­kers pétro­liers, cuves pour pâte à papier, blin­dages mili­taires. De son côté, NLMK Cla­becq pro­duit une vaste gamme de tôles allant de tôles minces (3 mm.) à fortes (120mm.) via un sys­tème de lami­nage com­bi­nant un lami­noir réver­sible et un lami­noir finis­seur à 4 cages. NLMK y a inves­ti 105 mil­lions d’euros dans un sys­tème de refroi­dis­se­ment accé­lé­ré et une ins­tal­la­tion de trempe et recuit (« quen­ching and tem­pe­ring ») confé­rant à ses aciers des qua­li­tés sem­blables à celles d’Industeel, même s’il s’agit d’aciers car­bone non alliés. Par­mi les sec­teurs clients figurent les pipe­lines gaziers et pétro­liers et les coques de navires. Cette gamme d’aciers à haute sophis­ti­ca­tion a per­mis aux deux entre­prises de mieux résis­ter que d’autres à la réces­sion de ces der­nières années et, grâce à leur réseau com­mer­cial, de s’assurer d’une clien­tèle fidélisée.

Par ailleurs, on men­tion­ne­ra en seconde ligne les pro­duits longs de Thy-Mar­ci­nelle qui per­mettent d’assurer un ave­nir cer­tain à cette filiale de Riva. L’avenir des autres sites de pro­duc­tion est moins assu­ré, dans la mesure où il dépend lar­ge­ment de l’évolution conjonc­tu­relle, à la fois de la sidé­rur­gie en Europe de l’Ouest et de ses prin­ci­paux clients, qu’il s’agisse de la construc­tion ou de l’automobile qui se trouvent, pour le moment, dans une situa­tion rela­ti­ve­ment dif­fi­cile. Cela concerne aus­si bien NLMK La Lou­vière pour les pro­duits plats et son aval en France (Beau­tor et Stras­bourg pour l’automobile), Dufer­co pro­duits longs à La Lou­vière et, dans le sec­teur de l’inox, Ape­ram à Châtelet.

En défi­ni­tive, si l’on peut par­ler d’avenir pour cer­tains pro­duits sidé­rur­giques en Hai­naut et Bra­bant wal­lon, on constate que, pour d’autres, la situa­tion est plus déli­cate vu leur dépen­dance de la san­té conjonc­tu­relle de leurs prin­ci­paux clients. Il reste tou­te­fois cer­tain que, si ave­nir il y a, il pas­se­ra par un effort de R&D inces­sant, qu’il s’agisse des pro­ces­sus de pro­duc­tion ou des qua­li­tés intrin­sèques des aciers pro­duits et com­mer­cia­li­sés, en Europe et dans le monde.

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