Pour la plupart des citoyens, l’art se confond avec la notion plus générale et englobante de ce qu’on appelle « la culture », son utilité se limitant aux loisirs, à l’esthétique et à l’enrichissement personnel.
Dans l’Histoire et pour le politique, l’art fut d’abord un outil de propagande ou de séduction. Ensuite, il est devenu davantage une expression d’émancipation et de liberté qu’il convenait de promouvoir. Aujourd’hui, malgré les politiques d’austérité, personne n’oserait ouvertement remettre en cause cette liberté. Et à l’heure où le secteur culturel est reconnu comme étant un des secteurs qui génère la plus forte croissance (en termes de création d’emplois et de lien social), il est surprenant de constater que le cadre de reconnaissance de celui-ci qui est au cœur de cette évolution, soit toujours aussi précaire. Dans cette foulée, contradictoire, le discours accentue et insiste fortement sur la valeur utilitaire — voire « utilitariste » — de l’art. L’idée selon laquelle l’artiste doit rendre des comptes semble émerger de plus en plus dans la sphère politique.
Mais la mission de l’art n’est pas réductible à un coefficient de rentabilité économique. Elle est, à bien y réfléchir, toute autre. L’art est essentiel à la santé d’une société. Il est l’imaginaire qui conditionne largement le devenir de celle-ci. Il ne propose pas des réponses mais il suscite la fécondité des questions, il interpelle le citoyen et le pouvoir, l’invite à interroger ses pris pour acquis.
L’art n’est donc pas une collection de « produits finis » ou de « solutions clé sur porte » destinés à divertir un public. Le sens qui habite l’expression artistique est de nous inviter à dépasser notre quotidien autant que nos certitudes en tous genres.
Les politiques sociales et culturelles se doivent de n’avoir aucun a priori par rapport à la réalité multiforme de l’expression artistique. Seul le temps décidera de ce qui sera durablement signifiant pour les générations futures.
Certains, au fond très cohérents, nous répondrons : « mais alors, qui peut décider de qui est artiste et qui ne l’est pas ?
À l’inverse de la loi de 2002 qui établit ce qu’on appelle – du reste erronément — le « statut social » de l’artiste, la réglementation du chômage a été l’objet d’une réforme que je qualifierais de « catégorisante » de l’activité artistique, multipliant des dispositions peu claires ou incohérentes, sujettes à des interprétations tantôt extensives tantôt restrictives au gré des humeurs ou des politiques menées par les bureaux de chômage.
En cette période d’austérité budgétaire, quoi de plus étonnant que l’approximation juridique fut l’objet d’une remise « en état » par l’organisme central qui chapeaute les différents bureaux de chômage ?
On ne s’étendra pas sur la contestable et heureusement contestée circulaire, dite « interprétative », du 6 octobre 2011 de l’Office National de l’Emploi, mais l’incompréhension, le désarroi et la colère du secteur artistique sont légitimes par rapport à une administration sociale tatillonne et arbitraire sur une chose pourtant fondamentale, celle de la sécurité d’existence de milliers d’artistes et d’intermittents du spectacle.
En revanche, on saluera l’avis unanime des partenaires sociaux rendu au Gouvernement le 17 juillet 2012. Comme je l’ai toujours défendu au Parlement, le Conseil National du Travail se prononce aussi et très clairement pour un « statut social intégré de l’artiste ».
Il n’est pas question de slogans mais d’une obligation de résultat car cet avis met au pied du mur les ministres « responsables » des dérives des administrations dont ils ont la tutelle.
Je ne veux pas conclure ce texte sans rappeler cette donnée très importante ; l’activité artistique ne peut pas être définie en droit, ce n’est pas son rôle, encore moins sa vocation.
Voilà bientôt 20 ans que les cénacles politiques sont confrontés à cette injonction de s’accorder sur une définition.
Pour les y aider, je les encourage à travailler dans un état d’esprit proche de ce à quoi devrait ressembler leur débat : ouvert.
Reste à savoir si le « visa professionnel » qui sera délivré à l’artiste qui souhaite relever de la protection sociale des travailleurs salariés respectera des critères de justice et de conformité avec la jurisprudence de la « Commission artistes ».
Ce question sera, ces prochains mois, au cœur de mon combat.
Özlem Özen est Députée fédérale au sein du groupe PS