![](https://www.agirparlaculture.be/wp-content/uploads/2020/04/APC_fete_science_03.jpg)
Supposons que le monde d’après soit différent de celui d’avant, Like never before.
Supposons un basculement culturel majeur, une saignée dans nos repères temporels, une amnésie collective d’un passé qui ne passe pas.
Supposons que nous soyons des historiens, ayant perdu la mémoire.
Parions alors sur un effort collectif de remémoration.
Pour nous y aider, petite proposition d’un mélancolico-farceur : modifier certains jours fériés.
Quelque furent le tragique absolu, la somme de souffrances, insoutenables, des guerres mondiales du siècle dernier, et la nécessité absolue d’en garder un vif souvenir, pourquoi ne pas commémorer, en plus ou à la place de, au choix, d’autres dates que celles du 11 novembre et du 8 mai.
Par exemple, le jour où Ignace Philippe Semmelweis, un médecin en poste à Vienne, découvre les vertus du lavage systématique des mains avec un mélange désinfectant. Il sera rejeté par un corps médical conservateur mais réhabilité dans la première partie du XXe siècle par un jeune étudiant en médecine, appelé à marquer, de manière sulfureuse, la littérature française : Louis Ferdinand Céline…
Cette étape décisive, d’une importance cruciale, de l’hygiène date de mai 1847, le jour précis étant impossible à déterminer. Après la fête des travailleurs, on pourrait arbitrairement décider que le huitième jour de ce « joli mois » honore aussi un évènement, certes moins spectaculaire que la fin d’un conflit armé, mais déterminant dans l’amélioration de la santé des humains. L’asepsie vaut autant qu’un armistice.
Autre exemple signifiant pour le monde post-Covid : la célébration du moment où Louis Pasteur invente la vaccination en s’opposant à Georges Clemenceau sur l’origine des microbes. Ainsi le 6 juillet 1885, un Alsacien de 9 ans, Joseph Meister, mordu par un chien, et malgré les controverses sur la vaccination pratiquée par Pasteur sur l’enfant, ne développera jamais la rage.
On pourrait multiplier les célébrations des coups de génie scientifique par d’audacieux savants : Alexandre Fleming et la pénicilline, Albert Sabin et le vaccin contre la polio, Alexandre Yersin, héros d’un merveilleux roman de Patrick Deville, et la découverte du bacille de la peste… Tant d’autres, discrets tâcherons de la lutte contre les infections sont restés dans l’ombre de l’Histoire sanitaire.
Mais, entre les jours de fêtes, chrétiennes puis laïcisées et les éphémérides toutes à la gloire des victoires militaires, il pourrait rester dans le monde post-coronavirus quelques gouttes de temps pour louer les sentinelles de notre santé.
« Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir » (René Char)