La trame du récit, c’est un commando mené par un plasticien qui va enlever Lakshmi Mittal et qui le force à faire des œuvres d’art, verra-t-on les œuvres réalisées ?
Les « vraies fausses œuvres » seront présentes dans le spectacle mais pas en termes d’exposition. En effet, c’est un plasticien qui kidnappe Lakshmi Mittal avec un sidérurgiste. Ce n’est pas non plus un commando militant, c’est plutôt quelqu’un qui s’interroge sur le rôle de l’art. Est-ce que l’art peut faire sens, est-ce que l’art peut transformer le monde ? Pour lui, cet acte n’est pas un acte militant, il veut essayer de transformer la vision de Lakshmi Mittal. C’est vraiment une pièce sur la question de la valeur, la valeur marchande, la valeur humaine et pas que le prix financier, le prix que l’on met pour qu’une vie d’homme soit réussie. C’est un enlèvement de bras cassés : il n’est possible que parce que personne ne croit en son projet. Tout le monde autour de lui au lieu de dire non dit oui, on peut t’aider un petit peu. Et à force d’avoir des petites aides et du bluff un peu partout, il arrive à kidnapper Lakshmi Mittal.
Comment vous est venue l’idée de monter ce spectacle ?
Quand j’ai lu le roman de Nicolas, c’était la première fois que Nicolas écrivait de manière aussi concrète, sur le contexte actuel avec un point de vue politique fort et de manière très frontale puisque par exemple il n’a pas changé le nom de Lakshmi Mittal. Le sujet était fort et nous touchait. En plus, l’actualité, la réalité a encore une fois dépassé la fiction : la phase à chaud va être définitivement fermée et le froid aura vraisemblablement du mal à survivre très longtemps… Cela me touchait aussi en tant que Liégeois mais aussi dans une réflexion de qu’est-ce que le projet des villes en reconversion totale. Il y a des villes qui réussissent, d’autres qui ont beaucoup plus de mal. Pour s’attaquer à ce problème, on a donc essayé avec le roman de Nicolas, même s’il n’est pas du tout théâtral, au départ, c’est un road-movie ! Cela nous a permis de mettre notre patte sur un texte qui ne nous imposait pas de style. Et donc on a proposé à Nicolas qui a tout de suite accepté, il a été vraiment emballé et on a commencé à faire l’adaptation avec lui. Il nous a laissé une totale liberté.
Il y a beaucoup de musique, c’est pour marquer les moments clés de la pièce ?
C’est pour soutenir le récit. On est dans une forme hybride qui est quasiment entre concert et spectacle. La musique est omniprésente sauf quelques moments très précis. C’est plutôt concert-spectacle. Il y a aussi un film, il y a pas mal de vidéos aussi.
Est-ce que vous conserver l’aspect « liégeois » du roman ?
Bien sûr le personnage principal est liégeois, on a gardé cet aspect très local, convaincu que la réalité de ce local-là est universelle même s’il y a des spécificités différentes dans chaque lieu. Au gré des étapes de travail, on s’est rendu compte que cela ne posait aucun problème pour des personnes qui ne connaissent pas les noms puisqu’une des grandes questions c’est quand même la reconversion de la sidérurgie. Quand on crée un grand chancre industriel et qu’on perd tout d’un coup 10.000 emplois dans un bassin industriel, des emplois peu qualifiés ou difficilement transférables : qu’est-ce qu’on fait pour les gens et pour la ville ?
C’est du théâtre militant ?
Nous ne sommes pas des militants à proprement parler. Nous ne nous revendiquons pas comme engagés politiquement, pas de façon partisane en tout cas. Par contre, c’est une forme de théâtre engagé qui se permet d’essayer de poser des questions réelles, franches, concrètes, et parfois qui rendent mal à l’aise certaines personnes. Cela pose aussi la question de ce que l’on veut pour la ville.
Le combat, on ne sait pas comment il va évoluer mais c’est important que la réflexion continue tant pour les autorités politiques, les travailleurs concernés que pour les habitants qui s’interrogent au sujet de l’avenir mais aussi une certaine forme de respect et de témoignage du passé. Liège sans le groupe Cockerill, historiquement ne serait pas Liège. Et comme cela va sans sans-doute s’arrêter bientôt, nous on avait envie d’en faire un évènement symbolique, de dire que ce n’est pas rien, c’est quelque chose d’important qui a vraiment contribué à l’identité liégeoise mais aussi à son essor et dans les années 60 à son bien-être.
C’est aussi une forme de reconnaissance parce que malgré tout la culture ouvrière n’est guère représenté dans la culture institutionnelle, une forme d’hommage.