Collectif Mensuel : comme un roman

Photo : Dominique Houcmant

Renaud Riga est l’un des membres fon­da­teurs du Col­lec­tif Men­suel. Ce col­lec­tif a pen­dant 5 ans réa­li­sé le « Men­suel », une revue d’actualité sous forme de pièce de théâtre mêlant humour et infor­ma­tion. Dans l’équipe d’auteurs, Nico­las Ancion qui a publié le roman « L’homme qui valait 35 mil­liards » un récit fic­tif où un com­man­do un peu bran­qui­gnol enlève Laksh­mi Mit­tal, patron et prin­ci­pal action­naire d’ArcelorMittal… Le Col­lec­tif, dési­reux de retour­ner à une forme plus longue de théâtre mais s’inscrivant tou­jours dans le réel, a déci­dé de l’adapter et d’en faire un spectacle.

La trame du récit, c’est un commando mené par un plasticien qui va enlever Lakshmi Mittal et qui le force à faire des œuvres d’art, verra-t-on les œuvres réalisées ?

Les « vraies fausses œuvres » seront pré­sentes dans le spec­tacle mais pas en termes d’exposition. En effet, c’est un plas­ti­cien qui kid­nappe Laksh­mi Mit­tal avec un sidé­rur­giste. Ce n’est pas non plus un com­man­do mili­tant, c’est plu­tôt quelqu’un qui s’interroge sur le rôle de l’art. Est-ce que l’art peut faire sens, est-ce que l’art peut trans­for­mer le monde ? Pour lui, cet acte n’est pas un acte mili­tant, il veut essayer de trans­for­mer la vision de Laksh­mi Mit­tal. C’est vrai­ment une pièce sur la ques­tion de la valeur, la valeur mar­chande, la valeur humaine et pas que le prix finan­cier, le prix que l’on met pour qu’une vie d’homme soit réus­sie. C’est un enlè­ve­ment de bras cas­sés : il n’est pos­sible que parce que per­sonne ne croit en son pro­jet. Tout le monde autour de lui au lieu de dire non dit oui, on peut t’aider un petit peu. Et à force d’avoir des petites aides et du bluff un peu par­tout, il arrive à kid­nap­per Laksh­mi Mittal.

Comment vous est venue l’idée de monter ce spectacle ?

Quand j’ai lu le roman de Nico­las, c’était la pre­mière fois que Nico­las écri­vait de manière aus­si concrète, sur le contexte actuel avec un point de vue poli­tique fort et de manière très fron­tale puisque par exemple il n’a pas chan­gé le nom de Laksh­mi Mit­tal. Le sujet était fort et nous tou­chait. En plus, l’actualité, la réa­li­té a encore une fois dépas­sé la fic­tion : la phase à chaud va être défi­ni­ti­ve­ment fer­mée et le froid aura vrai­sem­bla­ble­ment du mal à sur­vivre très long­temps… Cela me tou­chait aus­si en tant que Lié­geois mais aus­si dans une réflexion de qu’est-ce que le pro­jet des villes en recon­ver­sion totale. Il y a des villes qui réus­sissent, d’autres qui ont beau­coup plus de mal. Pour s’attaquer à ce pro­blème, on a donc essayé avec le roman de Nico­las, même s’il n’est pas du tout théâ­tral, au départ, c’est un road-movie ! Cela nous a per­mis de mettre notre patte sur un texte qui ne nous impo­sait pas de style. Et donc on a pro­po­sé à Nico­las qui a tout de suite accep­té, il a été vrai­ment embal­lé et on a com­men­cé à faire l’adaptation avec lui. Il nous a lais­sé une totale liberté.

Il y a beaucoup de musique, c’est pour marquer les moments clés de la pièce ?

C’est pour sou­te­nir le récit. On est dans une forme hybride qui est qua­si­ment entre concert et spec­tacle. La musique est omni­pré­sente sauf quelques moments très pré­cis. C’est plu­tôt concert-spec­tacle. Il y a aus­si un film, il y a pas mal de vidéos aussi.

Est-ce que vous conserver l’aspect « liégeois » du roman ?

Bien sûr le per­son­nage prin­ci­pal est lié­geois, on a gar­dé cet aspect très local, convain­cu que la réa­li­té de ce local-là est uni­ver­selle même s’il y a des spé­ci­fi­ci­tés dif­fé­rentes dans chaque lieu. Au gré des étapes de tra­vail, on s’est ren­du compte que cela ne posait aucun pro­blème pour des per­sonnes qui ne connaissent pas les noms puisqu’une des grandes ques­tions c’est quand même la recon­ver­sion de la sidé­rur­gie. Quand on crée un grand chancre indus­triel et qu’on perd tout d’un coup 10.000 emplois dans un bas­sin indus­triel, des emplois peu qua­li­fiés ou dif­fi­ci­le­ment trans­fé­rables : qu’est-ce qu’on fait pour les gens et pour la ville ?

C’est du théâtre militant ?

Nous ne sommes pas des mili­tants à pro­pre­ment par­ler. Nous ne nous reven­di­quons pas comme enga­gés poli­ti­que­ment, pas de façon par­ti­sane en tout cas. Par contre, c’est une forme de théâtre enga­gé qui se per­met d’essayer de poser des ques­tions réelles, franches, concrètes, et par­fois qui rendent mal à l’aise cer­taines per­sonnes. Cela pose aus­si la ques­tion de ce que l’on veut pour la ville.

Le com­bat, on ne sait pas com­ment il va évo­luer mais c’est impor­tant que la réflexion conti­nue tant pour les auto­ri­tés poli­tiques, les tra­vailleurs concer­nés que pour les habi­tants qui s’interrogent au sujet de l’avenir mais aus­si une cer­taine forme de res­pect et de témoi­gnage du pas­sé. Liège sans le groupe Cocke­rill, his­to­ri­que­ment ne serait pas Liège. Et comme cela va sans sans-doute s’arrêter bien­tôt, nous on avait envie d’en faire un évè­ne­ment sym­bo­lique, de dire que ce n’est pas rien, c’est quelque chose d’important qui a vrai­ment contri­bué à l’identité lié­geoise mais aus­si à son essor et dans les années 60 à son bien-être.

C’est aus­si une forme de recon­nais­sance parce que mal­gré tout la culture ouvrière n’est guère repré­sen­té dans la culture ins­ti­tu­tion­nelle, une forme d’hommage.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

code