
Selon l’Institut de Micro-Electronique et Composants (IMEC), un institut de recherche inter-universitaire basé à Leuven, les Flamand·es possèdent aujourd’hui trois à quatre appareils connectés1. Le smartphone est le plus utilisé et son utilisation a connu une croissance importante depuis la pandémie liée au Covid-19, passant depuis le mois d’avril 2020 d’un usage d’un peu plus de deux heures et demie à quatre heures par jour. Un emploi plus intensif, qui n’a que peu faibli depuis lors.
« Près de la rivière la plus sombre, sous les arbres sans feuilles. Je crois que je me noie, ce rêve me tue. Réveillez-vous, réveillez-vous, réveillez-vous. » Ces quelques paroles sont tirées de « Momento Mori », titre d’ouverture du huitième album des Américains de Lamb of God. Les astres s’alignent : ce single sort le 17 mars 2020. Le lendemain, à midi, la Belgique connait alors son premier confinement. Les conférences de presse, les comités de concertation, l’égrènement du nombre de contaminations, d’hospitalisations et de décès ponctuent désormais le quotidien de la population.
« Momento Mori » est le fruit des réflexions de Randy Blythe, vocaliste de Lamb of God, à propos de l’utilisation massive des écrans et des dégâts occasionnés par une consultation devenue compulsive des actualités. Un bombardement continu de chiffres, de faits et d’analyses – bien souvent pessimistes – qui finissent par nous plomber le moral, à moins de réussir à prendre un peu de distance. Le musicien n’est pas là pour prêcher la bonne parole. Il avoue lui-même avoir un « news junkie » au début de la pandémie : « J’ai fini par installer une application de verrouillage, appelée “Freedom”». Elle me permet de consulter les réseaux sociaux, les nouvelles, YouTube ou d’autres sites dans le même genre, pendant seulement 30 minutes. C’est important de rester informé, et encore plus particulièrement aujourd’hui, mais il ne faut pas se faire engloutir par les infos. On doit bien se rendre compte que la réalité, ce n’est pas ce que ces petits écrans nous montrent. »2
Depuis 2020, les médias saturent en effet d’informations à propos de la pandémie. Personne ne s’attendait à vivre cela, tout le monde a été pris de court. Beaucoup sont tombé·es malades, légèrement ou de façon plus grave. Certain·es ont même perdu la vie. Une surmédiatisation d’informations potentiellement anxiogènes, démultipliée par une consommation plus accrue des écrans, tout cela ne pouvait qu’amener à un des constats relevé dernièrement par le baromètre confiance et bien-être de Solidaris : trois personnes sur dix en Belgique peuvent être classées en dépression modérée à sévère3.
« Une dépression alimentée par la surcharge, De fausses perceptions, le poids du monde, Parce qu’il y a trop de choix, Je dois tuer leurs voix incessantes » éructe Randy Blythe en fin de morceau, au rythme des blasts et des lourds rifs de guitare. Trop de choix, une multitude de choix, une perte de repères et de balises, la prise de distance s’amenuise au fil du temps. Une information en vaut une autre, toutes les paroles s’équivalent. Les gages de valeur d’hier sont reniés, le voisin de palier peut du jour au lendemain se proclamer expert et bénéficier d’un important capital confiance. Cette même confiance, c’est celle qui a pris un virage à 180 degrés et qui tente désormais de dévoyer bon nombre de repères. La nage se fait à vue et en eaux troubles.
Alors qu’en mars 2020, les États-Unis ne savaient pas qu’ils allaient perdre des centaines de milliers de vies, Randy Blythe déclarait : « Moi aussi j’aimerais bien retourner surfer, plus que tout. Mais toutes les plages sont fermées. Et je n’ai pas besoin de me faufiler sur la plage, de me cacher et d’éventuellement être exposé à ce virus. Ou si je le porte en moi, sans le savoir, de contaminer quelqu’un d’autre… Il est temps d’être vraiment proactif et de prendre cette chose au sérieux. Je n’ai qu’un seul conseil : garder un mental positif et écouter les Bad Brains. Ça ne peut qu’aider ». Un sage conseil.