Subsidiée par la Communauté néerlandophone, Curieus est une association socioculturelle socialiste et flamande active en Flandre et à Bruxelles (un Curieus « national » chapeautant plusieurs entités régionales et locales) qui tente de repenser les idées et la manière de travailler dans les quartiers et mène campagnes de sensibilisation et activités de terrain. Un « Progressieve cultuur fabriek » sous-titre leur logo et constitue en somme leur programme : fabriquer une culture progressiste en Flandre et à Bruxelles.
ALLER AU-DELÀ DES CLIVAGES LINGUISTIQUES
Pour Fahim De Leener, qui travaille dans le secteur prévention jeunesse, la question linguistique est à mettre de côté : « À l’heure actuelle, la jeunesse bruxelloise est aussi à l’aise avec la langue néerlandaise que française. Elle ne veut plus de clivages ou de scissions linguistiques. Elle désire seulement réaliser des activités qui lui parlent, qui la touchent, qui la font rêver et se moque bien de la langue utilisée. Ce sont ces générations montantes qui vont nous aider à penser autrement l’utilisation de la langue. Car aujourd’hui Bruxelles est forte de sa multiculturalité. »
Une multiculturalité enfin prise en compte dans l’offre culturelle flamande : « À une époque, explique Jos Bertrand, les gemeentshapscentrum [les centres culturels flamands] bruxellois étaient pour moi de véritables ghettos flamands. Avec le temps, les choses ont changé et, à présent, nombre d’entre eux font de la culture s’adressant à la migration, aussi bien à des personnes issues du Maghreb, de l’Afrique que de la Communauté européenne. Ils leur ouvrent la culture du Nord et deviennent des lieux de rencontre qui enrichissent une communauté et la multiculturalité. Dans ce cadre, le pluralisme linguistique en est selon moi l’un des piliers fondamentaux. » Un pluralisme, qui, encore une fois, devrait constituer une grille de lecture pertinente. « Aujourd’hui, la question n’est plus de connaître le pourcentage de néerlandophones à Bruxelles. C’est une pensée qui appartient au passé. Aujourd’hui l’identité d’une personne est multiple. Il faut sortir de ce schéma séparatiste linguistique. On n’avance à rien en pensant de la sorte. »
Pour eux, à force de traiter Bruxelles comme devant systématiquement se positionner linguistiquement, on court tout droit vers un nationalisme bruxellois. Et donc à un repli identitaire, alors « qu’en tant que socialistes néerlandophones progressistes nous ne voulons pas tendre vers ce genre de dérive, même si beaucoup de choses tendent à faire penser de la sorte. Il suffit d’observer toutes les mesures des réformes de l’État, Bruxelles en est toujours la victime, l’éternelle oubliée. »
CRÉER DES SYNERGIES ENTRE LES COMMUNAUTÉS
Pour Curieus, on ne peut plus aujourd’hui en rester à des activités qui ne s’adressent qu’à sa communauté. « De plus en plus, culturellement parlant, si les citoyens émigrent de Flandre ou de Wallonie vers Bruxelles, c’est parce qu’ils veulent que l’on leur propose autre chose : une culture ouverte sur le monde. Aujourd’hui, on ne peut plus penser culture séparée, il faut travailler de concert. Terminé la rigidité des langues » comme l’indique Fahim avant d’ajouter que « l’heure est à chercher des points de synergies, favoriser des points de rencontre, unir les gens » citant la collaboration entre le KVS et le Théâtre national. Même s’il sait bien que les deux systèmes diffèrent et qu’« existent encore deux modèles de culture politique. En Flandre quant on parle culture, c’est manifestement avec un grand “C”. Tandis que pour les francophones et surtout à Bruxelles, la culture est beaucoup plus axée sur le socioculturel. »
Jos insiste à cet égard sur le fait que si la Flandre est très bien pourvue en formation professionnelle, elle offre en revanche bien peu de formation à la critique. Ce manque manifeste dans le Nord est d’ailleurs « une des raisons du clivage entre le politique et le citoyen ». Et c’est justement le rôle d’associations comme Curieus de « former à cette culture critique et émancipatrice, de rassembler autour de la culture, peu importe si les courants d’idées diffèrent, justement il faut en débattre. » Et si l’autonomie des Régions à la sauce de Wever devait se produire, « la capitale pourrait tendre vers un nationalisme bruxellois. Le risque est réel. Si les Bruxellois ne se réunissent pas autour d’un projet bicommunautaire, ils seront perdants » conclut Fahim.
Le site de Curieus est ici (en néerlandais)