
On l’entend, à l’école, ça proteste : on va évaluer les profs ! Ce qui coince c’est que le processus serait « sommatif » : il ouvrirait à des sanctions. Décidément, l’univers scolaire reste bien loin de la vraie vie, celle des entreprises, où l’évaluation c’est du sérieux. Par exemple, moi j’adore « l’évaluation à 360 degrés » lors de laquelle sont recueillies des informations sur les performances d’un employé auprès de toutes les personnes avec qui il est ou a été en contact. Toutes sont invitées à donner leur avis sur sa performance, son éthique de travail, son comportement, tout ça. Voilà de la belle ouvrage ! N’écoutez pas les médisants qui parlent de délation : pas plus que les profs, ils n’ont compris que l’évaluation s’inscrit pleinement dans les pratiques managériales modernes et que compétitivité et croissance ne tombent pas du ciel ! D’ailleurs, l’évaluation est devenue une culture.
Ainsi s’est-on profondément réjoui de voir apparaitre les « nutri-scores ». Qui ne sortent pas de nulle part, c’est construit scien-ti-fi-que-ment par l’UE. À laquelle, il est apparu que les consommateurs apprécient beaucoup les systèmes FOPNL, car ils sont plus visibles et plus faciles à comprendre. FOP-machin, là, ça veut dire : « Étiquetage nutritionnel sur le devant de l’emballage ». Au terme de travaux herculéens, l’Europe a conclu que les couleurs sont un outil idéal car elles permettent de saisir le score d’un coup d’œil, sans forcer le lecteur aux processus mentaux nécessaires — dont le fait de retourner la boîte pour se retrouver confronté à toute une série de « E » suivis de chiffres auxquels on ne comprend rien du tout, mais que si c’est dans le paquet c’est que ça peut pas être mauvais. Foin de ces indications monochromes — l’UE sait qu’elle n’est pas peuplée que de génies. Bon alors, pour bien becter c’est simple, rouge c’est pas bien, orange plutôt moyen, vert, c’est nickel (en fait, y’a 5 couleurs, mais ne compliquons pas).
On entend maugréer les habituels ronchons : c’est même pas obligatoire, comment que c’est vérifié tout ça, etc. Et les plus grognons se plaignent du suremballage et des tonnes de plastique nécessaires pour les coller, les étiquettes. Mais va‑t’en la coller sur un topinambour solitaire ton étiquette, hé banane ! Certains éléments ne sont pas inclus, râle-t-on encore : les additifs (colorants, conservateurs, émulsifiants, exhausteurs de goût, édulcorants…, ce sont les « E » susmentionnés), les pesticides, les antibiotiques. Mais faut savoir ce qu’on veut : crever de faim ou ingurgiter avec le reste quelques traces de trucs, d’ailleurs autorisés ? Et puis, sans les additifs, je te raconte pas : c’est immangeable.
Pour démontrer qu’on est sur la bonne voie, on va finir avec l’indice PEB – là, pour le coup c’est obligatoire. Mesurer la Performance Énergétique des Bâtiments, ça c’est la bonne idée ! Même si c’est un peu compliqué parce que les lettres vont de A++ à G : 9 scores pour les bâtiments existants, ça simplifie pas la vie. Mais au moins, les pauvres savent qu’en louant une maison avec un PEB genre F ou G ils vont se geler les miches pendant l’hiver – ou se taper des factures de chauffage pas possibles. Sacrés pauvres : toujours à se gourer dans leurs choix rationnels… Et après on s’étonne.
Puis, comme toujours (ça devient fatigant), il y a les petits malins qui critiquent. La RTBF (mais c’est le service public bon sang, mais qu’on les calme ceux-là !) a démontré que, selon les certificateurs, l’évaluation pouvait varier d’environ 40 % pour un même logement. Et alors ? Rome ne s’est pas faite en un jour, non plus. Comme le dit un ministre chargé de l’affaire, il faut investir dans la formation, les logiciels et les contrôles pour minimiser ces légers désagréments.
Bref, c’est en évaluant les évaluateurs qu’on y arrivera. Haut les cœurs : lui au moins, il a compris !