Fatima Ouassak

« Tout est fait pour que les classes populaires ne se saisissent pas de l’écologie »

 Illustration : Vanya Michel

La gauche a sou­vent ten­dance à mécon­naitre les dyna­miques qui struc­turent les luttes des milieux popu­laires, voire à craindre leur orga­ni­sa­tion hors d’elle. En matière d’écologie, elle ramène sou­vent les choses à la ques­tion per­ni­cieuse « com­ment mobi­li­ser les classes popu­laires ? », niant ain­si les éco­lo­gismes et com­bats qui se déve­loppent déjà en leur sein. Com­ment se jouent les luttes, notam­ment éco­lo­gistes, dans les quar­tiers popu­laires ? Ren­contre avec la poli­to­logue et mili­tante Fati­ma Ouas­sak qui prône un agir local : il faut lut­ter là où on habite et à par­tir des pro­blèmes ren­con­trés par les gens.

Fati­ma Ouas­sak milite sur le ter­rain à Bagno­let, une com­mune popu­laire de la ban­lieue pari­sienne. Elle est porte-parole du Front de Mères, un syn­di­cat de parents actif sur la ques­tion sociale dans toutes ses dimen­sions et anime éga­le­ment le réseau uni­ver­si­taire inter­sec­tion­nel « Classe/Genre/Race ». Elle s’apprête à sor­tir le livre « La puis­sance des mères, pour un nou­veau sujet révo­lu­tion­naire » (La Découverte)

On entend souvent dire qu’étant données les urgences sociales et la survie au quotidien, les individus de classes populaires n’ont pas le temps et l’énergie de s’intéresser aux questions écologiques. Pour certains, ils y seraient même indifférents, voire hostiles. Pensez-vous que c’est exact ?

C’est en grande par­tie faux. Certes, la ques­tion des condi­tions maté­rielles d’existence, dans une lec­ture mar­xiste de la socié­té, nous fait consta­ter que les classes popu­laires ont, de fait, moins accès à l’information néces­saire pour inté­grer l’écologie poli­tique et ses codes ; sont situées dans des ter­ri­toires ségré­gués ; ont moins accès à une ali­men­ta­tion saine ; n’ont pas accès aux loi­sirs, à l’environnement, à la nature ; et ont un rythme de vie peu pro­pice à la vie mili­tante comme ces femmes qui élèvent seules leurs enfants sans mode de garde et qui ont des horaires de tra­vail hachés. Donc, effec­ti­ve­ment, ces condi­tions maté­rielles d’existence peuvent empê­cher une par­ti­ci­pa­tion à une éco­lo­gie très située socialement.

Mais selon moi, l’explication cen­trale au phé­no­mène que vous évo­quez, c’est que tout est fait pour que les classes popu­laires ne se sai­sissent pas de l’objet éco­lo­gique. Il faut se rap­pe­ler qu’en France, les codes de l’écologie telle qu’elle se pré­sente et telle qu’elle est média­ti­sée sont très éli­tistes, très fer­més. Il faut vrai­ment appar­te­nir à une cer­taine classe sociale, la classe moyenne supé­rieure plu­tôt blanche et plu­tôt beaux quar­tiers pavillon­naires, pour pou­voir y pré­tendre, y être accep­té et y être légitime.

Je peux en témoi­gner très direc­te­ment. Ain­si, lorsque nous avons com­men­cé à nous sai­sir d’un pro­blème très pré­cis — le fait qu’on impose la viande dans les assiettes des enfants dans la plu­part des can­tines sco­laires en France -, nous sommes arri­vées avec une solu­tion éco­lo­gique qui aurait pu faire consen­sus si on avait été des femmes blanches ou si on vivait dans un monde idéal sans rap­ports sociaux de domi­na­tion…. Il s’agissait d’une alter­na­tive végé­ta­rienne : le choix entre un plat de viande et un plat sans viande. Choix qui per­met­tait donc à tous les enfants, quel que soit leur régime, de pou­voir man­ger cor­rec­te­ment et à leur faim le midi, ce qui rejoint des enjeux de jus­tice sociale et évi­dem­ment des enjeux envi­ron­ne­men­taux quand on sait l’impact des éle­vages de masse dans la crise cli­ma­tique. Or, ça n’a pas du tout fait consen­sus, bien au contraire ! On a assis­té à une levée de bou­cliers totale, y com­pris d’organisations pro­gres­sistes qui se réclament de l’écologie ou de la gauche. Et y com­pris de la part de per­sonnes qui sont elles-mêmes végé­ta­riennes et cen­sées défendre un pro­jet poli­tique en la matière !

Pourquoi une opposition si forte ?

Parce que nous sommes des femmes, et pas n’importe quelles femmes ! Des femmes per­çues comme musul­manes, au départ pour l’essentiel des femmes noires et arabes. Des femmes au sujet des­quelles on nour­rit des repré­sen­ta­tions sté­réo­ty­pées, c’est-à-dire qui ne seraient pas vrai­ment capables d’aller au-delà de leur petite cui­sine et d’interroger leur ali­men­ta­tion, a for­tio­ri de réflé­chir aux enjeux de l’alimentation de tous…

Et puis aus­si, parce que nous sommes pour l’essentiel issues des classes popu­laires. Or, il existe en France, de la part des orga­ni­sa­tions majo­ri­taires de gauche, y com­pris de l’écologie de gauche, une tra­di­tion de contrôle social des popu­la­tions des quar­tiers popu­laires : on ne veut pas qu’émerge de ces quar­tiers une parole poli­tique auto­nome. On nie la conscience poli­tique qui peut exis­ter dans les quar­tiers populaires.

L’écologie est un outil puis­sant de libé­ra­tion et d’émancipation. Il a par exemple per­mis aux femmes du Front de Mères au cours de la lutte de conscien­ti­ser le pou­voir qu’elles n’avaient pas et celui qu’elles pou­vaient récu­pé­rer, la place qu’elles avaient dans leurs familles, dans le quar­tier, dans l’espace public ou dans le sort de leurs enfants. C’est un outil qui peut déblo­quer énor­mé­ment de choses dans le rap­port à l’espace et à l’environnement. Tout se passe comme si on crai­gnait de mettre cet outil entre ces mains-là. Il y a vrai­ment des entraves fortes dans l’accès des classes popu­laires à la parole éco­lo­giste qui tra­duisent des rap­ports de pou­voir et de domi­na­tions pour main­te­nir un sta­tu quo.

En clair, si je n’avais pas eu des res­sources et un réseau exté­rieur à la ville, à nos quar­tiers popu­laires du 93 [dépar­te­ment de la Seine Saint-Denis situé dans la région pari­sienne NDLR] et de Bagno­let, pour nous per­mettre de jouer du rap­port de force avec les orga­ni­sa­tions de gauche de la ville, vous auriez pu consi­dé­rer qu’à Bagno­let, déci­dé­ment, ces classes popu­laires ne s’occupaient pas de leur sort, ne s’occupaient pas de leurs enfants. Et qu’elles avaient déjà fort à faire avec le chô­mage, la galère, la misère pour pen­ser l’écologie. Et si je n’avais pas fait ce tra­vail de lais­ser de traces, de dire cette lutte dans des entre­tiens avec des médias, notre lutte éco­lo­giste à Bagno­let serait elle aus­si pas­sée à la trappe. Vous pour­riez alors consi­dé­rer que la ques­tion de l’alternative végé­ta­rienne a été por­tée par la FCPE [Prin­ci­pale fédé­ra­tion de parents d’élèves des écoles publiques en France, clas­sée à gauche. NDLR], par Green­peace, par l’Association végé­ta­rienne de France — parce qu’elle est por­tée aujourd’hui par eux — et que les prin­ci­pales vic­times de ce qu’on appelle la crise cli­ma­tique et les inéga­li­tés envi­ron­ne­men­tales, déci­dé­ment, elles, elles ne font rien.

Comment se traduit concrètement la délégitimation de la parole des classes populaires en matière de luttes écologistes ?

Ce qui est sys­té­ma­ti­que­ment mobi­li­sé lorsqu’on veut dis­qua­li­fier les popu­la­tions des classes popu­laires, notam­ment, des des­cen­dants de l’immigration post­co­lo­niale, c’est l’étiquette « com­mu­nau­ta­riste ». Le fait de deman­der une alter­na­tive végé­ta­rienne a par exemple été taxé comme tel ! On a aus­si dit de nous qu’on avan­çait avec un plan mas­qué pour impo­ser le halal à l’école… Des gens, qui se disent de gauche, ont même été jusqu’à nous accu­ser d’instrumentaliser nos enfants pour faire de l’entrisme dans la FCPE ! C’est dire le degré de sus­pi­cion auquel on peut être confron­té. Et à quel point on peut être déshu­ma­ni­sé : même l’amour d’une mère pour ses enfants et l’intérêt qu’elle pour­rait avoir pour leur san­té, ça nous est enlevé !

De manière plus anec­do­tique, lorsqu’on m’a trai­té pour la pre­mière fois de « facho vegan » il y a deux ans, j’étais très contente ! Parce que même si ce n’était pas très agréable, on sor­tait enfin du registre du pro­jet isla­miste caché pour entrer, certes par la petite porte, dans celui de l’écologie !

Quels effets ce discrédit de la part d’organisation de gauche peut-il avoir sur l’action militante de terrain ?

Ça peut vrai­ment très vite décou­ra­ger et entrai­ner l’arrêt de cette mili­tance. Un groupe de mamans qui subit cela et qui n’aurait pas de res­sources externes ces­se­ra sans doute de mener le com­bat. Parce que vous n’avez pas envie lorsque vous emme­nez vos enfants à l’école d’être mal vue et d’être trai­tée de « com­mu­nau­ta­riste ». C’est quand même infa­mant avec tout ce qu’on met der­rière ce terme ! Moi, on m’a même dit une fois que je tra­vaillais pour Daesh ! Tout cela peut avoir un impact sur nos vies intimes et fami­liales, parce qu’on ne milite pas dans les nuées, on milite là où on habite. Ce tra­vail d’entrave peut aus­si se tra­duire dans des choses très concrètes qui brisent les dyna­miques comme par exemple lorsque les mai­ries annulent la veille des salles réser­vées des semaines à l’avance pour une réunion ou une confé­rence. Beau­coup de luttes que vous auriez pu cer­tai­ne­ment qua­li­fier d’écologistes ont été tuées dans l’œuf par tout ce tra­vail de dis­cré­dit et de sabotage.

Dans l’idée d’agir au plan local, là où on est, sur son territoire de vie, de partir du concret, est-ce que vous inscrivez votre militance dans la pratique du community organizing tel que développé par Saul Alinsky ?

Pour l’avoir mis en place à titre pro­fes­sion­nel, j’estime que le com­mu­ni­ty orga­ni­zing, ça ne marche pas, en tout cas pas en France. Vous avez des quar­tiers popu­laires où il est vrai­ment très dif­fi­cile de mili­ter, de faire de la poli­tique, de faire chan­ger les choses même lorsque vous habi­tez le quar­tier d’à côté. Com­ment dès lors ima­gi­ner que des per­sonnes par­ties se faire for­mer aux États-Unis au com­mu­ni­ty orga­ni­zing (qui sont-elles d’ailleurs, et par qui et à quoi sont-elles for­mées ?), pour ensuite être ren­voyées en France dans les quar­tiers popu­laires, et donc pour ain­si dire qui tombent du ciel, vien­draient régler tes pro­blèmes avec des méthodes prêtes à l’emploi ?

Car durant des décen­nies, il y a eu tel­le­ment de men­songes, d’instrumentalisation des causes, de confis­ca­tion des luttes, de pro­messes poli­tiques non tenues qu’il est deve­nu impos­sible d’obtenir la confiance des habitant·es s’ils ne vous connaissent pas. À la dif­fé­rence des quar­tiers pavillon­naires ou des quar­tiers mixtes, les quar­tiers popu­laires ont énor­mé­ment de mémoires. Chaque tra­hi­son ou défec­tion de la part de poli­tiques (typi­que­ment après les élec­tions) crée une trace. Ça s’inscrit même dans le ter­ri­toire : on se sou­vient des années après, de telle ou telle réunion pré­cise qui a eu lieu et de ce qui s’y est dit ou pro­mis. Donc, com­ment pen­ser que des gens qui viennent avec des outils pen­sés dans un contexte poli­tique qui n’a rien à voir avec celui qui est vécu ici, et ne réfère pas à la même his­toire, pour­raient agir effi­ca­ce­ment ici ?

Vous insistez aussi souvent sur le fait qu’il existe en réalité déjà des outils dans les quartiers populaires : il ne s’agit pas de déserts politiques et il n’est pas forcément nécessaire de tenter d’en importer…

En effet, le fait de par­ler de quelque chose comme le com­mu­ni­ty orga­ni­zing laisse sup­po­ser qu’il fau­drait attendre une aide de l’extérieur… Or, dans les quar­tiers popu­laires, il y a déjà des outils. Pour­quoi ? Parce que de nom­breuses luttes de l’immigration y ont été menées, et ce, par les popu­la­tions des quar­tiers popu­laires elles-mêmes.

Il s’agirait de s’appuyer davan­tage sur ces luttes qu’on connait peu car on en a conser­vé peu de traces. Tout un tra­vail de recherche et de mémoire de luttes est donc à réa­li­ser. Nos grands-parents se sont tout de même libé­rés de la colo­ni­sa­tion, ce n’est pas rien ! Le par­cours migra­toire, dis­qua­li­fié aujourd’hui et dans lequel on ne trou­ve­rait ni résis­tances, ni richesses, consi­dé­ré comme une inva­sion de l’Europe, est en fait truf­fé de luttes, menées notam­ment par des parents pour leurs enfants. Pour­quoi ne pas s’appuyer plu­tôt là-des­sus ? Sur des méthodes et stra­té­gies que nos parents ont pen­sées et mises en place pour être à peu près res­pec­tés, pour obte­nir les mêmes droits alors qu’ils étaient des tra­vailleurs de natio­na­li­té étran­gère. Et qu’ils ne rece­vaient aucun sou­tien des syn­di­cats et mili­tants natio­naux, voire subis­saient leur hos­ti­li­té. Je me suis ain­si beau­coup appuyé sur l’expertise et le conseil d’anciens du mou­ve­ment des tra­vailleurs arabes jusque dans les années 80. Ils doivent avoir 80 – 85 ans et m’ont nour­ri de conseils ines­ti­mables en termes stra­té­giques pour nos luttes éco­lo­gistes actuelles.

Vous prônez donc une forme d’auto-organisation des populations concernant leurs problèmes rencontrés dans leur environnement direct…

Com­plè­te­ment : auto-orga­ni­sa­tion, essayer de s’appuyer au maxi­mum sur nous-mêmes. Pour ras­sem­bler et faire nombre, com­men­çons par son immeuble ! Com­men­çons par aller voir dans sa rue, dans son quar­tier s’il n’y aurait pas des per­sonnes inté­res­sées par s’emparer d’une pro­blé­ma­tique de lutte avec nous, plu­tôt que de se pré­ci­pi­ter pour appe­ler des jour­na­listes, des mili­tants, des uni­ver­si­taires de la petite cou­ronne de Paris pour venir nous organiser.

Avant de mili­ter vrai­ment à fond à Bagno­let, ville où je me suis ins­tal­lée quand je me suis mariée et que j’ai eu mes enfants, je mili­tais rela­ti­ve­ment tran­quille­ment dans des espaces hors-sols. C’est-à-dire qu’en confé­rence à Paris, vous pou­vez dire à peu près ce que vous vou­lez, avoir un dis­cours très révo­lu­tion­naire et anti-État : il ne vous arri­ve­ra rien. À Bagno­let, en revanche, l’alternative végé­ta­rienne, c’est consi­dé­rée comme Daesh ! Ça tend à pous­ser les militant·es, les orga­ni­sa­tions poli­tiques et syn­di­cales à se déter­ri­to­ria­li­ser : puisqu’en quelque sorte on n’y arri­ve­ra pas dans le ter­ri­toire, il y a trop d’enjeux de pou­voir locaux, on va plu­tôt natio­na­li­ser nos luttes. Résul­tat : ce sera sans doute plus facile, mais aus­si plus inof­fen­sif qu’une lutte territorialisée.

Or, selon moi, il faut sys­té­ma­ti­que­ment ter­ri­to­ria­li­ser nos luttes, notam­ment face à des pou­voirs publics qui cherchent constam­ment à dis­so­cier les luttes du ter­ri­toire. C’est d’autant plus néces­saire dans les quar­tiers popu­laires où on n’est pas du tout consi­dé­ré comme étant chez nous, où on est tou­jours consi­dé­ré comme des étran­gers même quand on est là depuis quatre géné­ra­tions. C’est pour ça qu’au Front des mères, on répète sans cesse : voi­là on est chez nous ici, il faut tra­vailler notre ter­ri­toire pour ne pas en être dépossédé.

Les associations d’éducation permanente et populaire traditionnelles en Belgique sont parfois un peu larguées sur ces questions relativement nouvelles pour elles de combats écologiques lorsqu’elles sortent d’un public de convaincu·es de classes moyennes. Quels conseils pourriez-vous donner à des animateur-trices socioculturel-les pour aborder ces questions d’écologie en milieu populaire, notamment en pointant ce qui peut être excluant dans ce qu’on propose ?

Déjà s’avancer, se pré­sen­ter et dire tout de suite que ce que vous faites ou vou­lez faire, c’est « de l’écologie ». Si vous arri­vez avec vos gros sabots d’écologiste, de grandes causes, avec des chiffres, etc., ça ne mar­che­ra pas. Vous pou­vez même créer un com­plexe selon lequel il est néces­saire de pos­sé­der un savoir pour pou­voir par­ler d’écologie, alors même qu’il s’agit de par­ler d’abord de son propre sort et de celui de ses enfants, du quar­tier bref de son envi­ron­ne­ment immé­diat et de ques­tions sociales. Par­tir sur des enjeux très glo­baux — comme « le Cli­mat » ou « L’Amazonie » — donne même l’impression que plus c’est large, loin­tain, abs­trait, et plus ça témoigne d’une volon­té de ne pas remettre en ques­tion le confort dans lequel on est, les inéga­li­tés et la ségré­ga­tion dont on pro­fite, car elles confèrent un pri­vi­lège. Der­niè­re­ment, j’ai par exemple pu entendre dans des ate­liers à Paris sur l’éco­fé­mi­nisme des per­sonnes qui par­laient de l’Inde, de Van­da­va Shi­va et du mou­ve­ment Chip­ko avec admi­ra­tion. Quand moi, j’ai évo­qué ce qui se fai­sait de l’autre côté du péri­phé­rique, on m’a rétor­qué le fameux « Atten­tion au com­mu­nau­ta­risme ». Ce qui vaut pour l’Inde ne vau­drait donc pas pour Bagnolet ?

Il s’agit donc de venir sans pré­ten­tion, sans le gros truc qui écrase, mais au contraire de par­tir de pro­blèmes aux­quels les gens sont confron­tés au quo­ti­dien, de choses très concrètes. Notam­ment par rap­port à leurs enfants, car il y a une conscien­ti­sa­tion et une mobi­li­sa­tion qui s’effectuent assez natu­rel­le­ment chez les gens quand cela touche à leurs enfants. Pour­quoi mon enfant ne pour­rait pas man­ger autre chose que de la viande à la can­tine ? Pour­quoi, comme je l’observe à Bruxelles, tel quar­tier est très fleu­ri et pour­quoi dans notre quar­tier, c’est plein de pou­belles ? Pour­quoi tous les ascen­seurs de mon immeuble sont-ils sys­té­ma­ti­que­ment en panne ? Pour­quoi les jeunes sur­con­somment-ils du numé­rique dans notre quar­tier ? En par­tant de ces choses concrètes, on peut arri­ver à mobi­li­ser et abou­tir à des enjeux de digni­té humaine, d’égalité, de jus­tice sociale et de jus­tice environnementale.

Récem­ment par exemple, plu­tôt que de par­tir sur l’Amazonie ou que sais-je, on a récem­ment tra­vaillé sur « Com­ment on res­pi­rait à Bagno­let ? » On a fait com­pa­rer la qua­li­té de l’air à Bagno­let et celle du 20e arron­dis­se­ment de Paris. On a pu démon­trer que l’air était beau­coup plus pol­lué à Bagno­let qu’à Paris, 300 mètres plus loin. En cause notam­ment la poli­tique de végé­ta­li­sa­tion muni­ci­pale. Cette com­pa­rai­son de ter­ri­toires nous a per­mis de prou­ver qu’il s’agissait de volon­té poli­tique : qu’est-ce qui est mis en place à Paris ? Qu’est-ce qui n’est pas mis en place à Bagno­let ? Qu’est-ce qu’on pour­rait faire ensemble pour amé­lio­rer la qua­li­té de vie ?

C’est en cela que l’écologie poli­tique et sociale est un outil plus qu’une doctrine ? 

Il faut faire confiance aux gens pour qu’ils conscien­tisent les choses et amènent, eux, ensuite l’analyse néces­saire qui per­met­tra à tout le monde de dire « là on a mené une lutte éco­lo­giste » alors qu’au départ, on n’était pas par­ti a prio­ri sur de l’écologie. L’écologie arrive donc après, comme une solu­tion, comme un outil pour répondre à une situa­tion pro­blé­ma­tique. Et pas du tout comme une idéo­lo­gie dont on se van­te­rait, avec des codes très pré­cis et excluant, dans une démarche qui vien­drait du haut, qui donne une grille d’analyse de ce qui se passe dans la socié­té et dans le monde avec charge aux popu­la­tions de s’en sai­sir et de l’appliquer. L’écologie telle que je la conçois est donc en rup­ture avec cette éco­lo­gie mains­tream. Pour moi, elle nait de la non-prise en charge de ques­tions d’ordre quo­ti­dien et d’un rap­port de force avec les ins­ti­tu­tions. Et elle nait d’une conscien­ti­sa­tion d’un pou­voir qu’on n’a pas et que quelque chose nous est impo­sé. Ce qui est seule­ment pos­sible à par­tir du moment où on se bat ensemble.

Un commentaire

  • Meriem FRADJ

    Une expé­rience de ter­ri­toire, d’a­gri­cul­ture urbaine, d’habitants…
    Aller voir du coté de Valence 26000, des Jar­dins Urbains Citoyens, des pro­duc­tions Bio et label­li­sées, des habi­tants api­cul­teurs … ET tout cela dans une ZUS en plein cœur de quar­tier Les Hauts de Valence
    contact : Le MAT Drôme https://www.facebook.com/lematdrome1/
    un livre : Une Cité aux Mains Fertiles

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