Entretien avec Pierre-Yves Hurel

Le jeu vidéo associatif pour faire vivre la démocratie culturelle

Illustration : Gaëlle Gaëlle

Doc­teur en Infor­ma­tion et Com­mu­ni­ca­tion à l’Université de Liège, cher­cheur au Liège Game Lab, Pierre-Yves Hurel tra­vaille sur la créa­tion de jeux vidéo en ama­teur. Il a aus­si orga­ni­sé et ani­mé plu­sieurs ate­liers de créa­tion de jeux vidéo ou d’utilisation de jeux vidéo déjà exis­tants à des fins de média­tion cultu­relle. Il revient pour nous sur la manière dont l’éducation popu­laire s’empare ou pour­rait s’emparer de ce média. Et sur la place de l’animateur·trice socio­cul­tu­relle vis-à-vis de ce média popu­laire pas si neuf et pour­tant peu uti­li­sé en animation.

Pourquoi est-il nécessaire que l’éducation populaire (EP) se penche plus activement sur le jeu vidéo (JV), un média qui n’est pourtant pas si jeune ?

Le jeu vidéo a été inven­té au début des années 1960 mais ne connai­tra un suc­cès popu­laire que dix ans plus tard (avec Pong en 1972) et, sur­tout, ne va long­temps tou­cher majo­ri­tai­re­ment que cer­taines caté­go­ries de la popu­la­tion (celles visées par l’industrie : les jeunes ado­les­cents hommes). On sait désor­mais que le public s’est lar­ge­ment diver­si­fié puisqu’on parle d’une femme sur deux et d’une moyenne d’âge autour de 35 ans. Mais il existe encore une frac­ture assez nette entre les joueurs et les non-joueurs. Ces der­niers ne connaissent ce « nou­veau » média qu’au tra­vers des publi­ci­tés les plus lar­ge­ment dif­fu­sées qui pro­meuvent très sou­vent les mêmes grandes fran­chises comme Call of Duty, et ignorent ain­si la diver­si­té des conte­nus. Les non-joueurs sont ain­si d’autant plus expo­sés aux dis­cours réac­tion­naires concer­nant ce nou­veau média qui, comme chaque nou­veau média, est accu­sé d’une bonne par­tie des maux de la socié­té (vio­lence, addic­tion, confu­sion réel et vir­tuel, etc.).

Un deuxième constat impor­tant réside dans le fait que, même par­mi les joueurs, très peu recon­naissent leur pra­tique comme rele­vant du domaine « cultu­rel ». Une enquête du minis­tère fran­çais de la Culture réa­li­sée en 2016 consis­tait à deman­der à un panel de Français·es s’ils esti­maient que telle ou telle acti­vi­té rele­vait du domaine cultu­rel. Le jeu vidéo se retrou­vait en bas de clas­se­ment, proche de la télé­réa­li­té… En réa­li­té, ce type de résul­tat devrait nous inter­ro­ger plus fon­da­men­ta­le­ment sur les rai­sons qui nous poussent à recon­naitre le carac­tère cultu­rel d’une acti­vi­té : est-ce parce que l’on y retrouve des qua­li­tés par­ti­cu­lières ? Et si oui les­quelles ? Par exemple, faut-il qu’une œuvre nous incite à la contem­pla­tion, plu­tôt qu’à l’excitation et la joie, pour faire par­tie de la véri­table culture ?

Une des rai­sons prin­ci­pales, à mon sens, vient de la place que ces acti­vi­tés occupent dans les ins­ti­tu­tions qui par­ti­cipent à leur légi­ti­ma­tion. En ate­lier, une des réponses des jeunes est que « la culture, c’est ce qu’il y a dans les musées ». Or, pré­ci­sé­ment, on ne retrouve pas, ou peu de jeu vidéo dans les musées. Et, même si la situa­tion est en train de chan­ger, on en trouve aus­si très peu dans les écoles, centres d’expositions, gale­ries d’art, émis­sions cultu­relles, et autres lieux de consé­cra­tion. C’est pour­quoi, dès que l’occasion m’en est don­née, je dis à ces lieux : pre­nez votre part, inté­grez le jeu vidéo dans vos col­lec­tions et par­ti­ci­pez ain­si à tenir un dis­cours sur ce média. Ne pas le faire, c’est aban­don­ner une des prin­ci­pales pra­tiques cultu­relles actuelles aux seules entre­prises pri­vées, qui ne se font pas prier pour édic­ter ce que doit être un « bon » ou un « vrai » jeu vidéo.

Comment envisagez-vous l’éducation populaire dans le cadre de vos pratiques de terrain et de recherche autour du JV ?

En 2014, j’ai don­né un pre­mier ate­lier pour l’asbl lié­geoise D’Une Cer­taine Gaie­té – qui a don­né lieu à la créa­tion de Chô­meurs Blas­ter, un jeu vidéo dans lequel il faut éli­mi­ner les chô­meurs qui sou­haitent mener la révo­lu­tion. Il s’agit donc d’une œuvre pro­vo­ca­trice et sati­rique, qui exprime le ras-le-bol des participant·es quant aux dis­cours poli­tiques qui culpa­bi­lisent les deman­deurs d’emplois. J’ai ensuite don­né deux ate­liers pour Point Culture, dont l’un à l’Artothèque de Mons (les participant·es ont alors créé Arto­quest). Puis j’ai tra­vaillé plu­sieurs années chez Arts et Publics, avec qui nous avons orga­ni­sé une bonne dou­zaine d’ateliers de créa­tion de jeux vidéo sur des thé­ma­tiques cultu­relles (avec Les Bate­liers de Namur), sociales (sur le racisme avec des jeunes concerné·es, par exemple) ou envi­ron­ne­men­tales. Plus récem­ment, je mène le pro­jet Liè­ge­Craft, une série d’ateliers don­nés au Digi­tal Lab de la pro­vince de Liège, où l’on invite à repro­duire une par­tie de la ville dans Mine­craft (com­pa­rable à un grand Lego vir­tuel) – et ain­si de consti­tuer le jeu vidéo comme une manière de s’apprivoiser les ques­tions liées à la ville (urba­nisme, archi­tec­ture, espace public, etc.).

Mon réfé­ren­tiel de base est plu­tôt celui de la média­tion cultu­relle et sur­tout de la démo­cra­tie cultu­relle : dans mes pro­jets de ter­rain, je vise avant tout à don­ner les moyens de s’exprimer à tra­vers la créa­tion d’un jeu vidéo. Cela a un effet poten­tiel sur les participant·es (qui apprennent à déli­vrer un mes­sage avec les codes nar­ra­tifs et ludiques du jeu vidéo) mais aus­si sur le média : il me semble impor­tant de ne pas lais­ser un des médias les plus popu­laires aux seules socié­tés pri­vées à forts capitaux.

Comment le jeu vidéo peut-il être un outil d’éducation populaire et d’interroger son environnement, sa place dans la société, ses pratiques ?

Il y a au moins deux niveaux de réponse pos­sible. D’abord, créer son propre jeu vidéo — ou en faire créer dans une asso­cia­tion ou un autre cadre non pro­fes­sion­nel et non com­mer­cial -, est une acti­vi­té qui par­ti­cipe, volon­tai­re­ment ou non, à se posi­tion­ner non plus uni­que­ment en tant que consom­ma­teur mais en tant que pro­duc­teur. De là, il devient pos­sible, et joyeux, de se ques­tion­ner sur ce que l’on a envie d’exprimer, que ce soit iden­tique ou dif­fé­rent des dis­cours de jeux vidéo com­mer­ciaux. D’une cer­taine manière, se rejoue ici un débat qui a tra­ver­sé l’éducation popu­laire avec l’apparition du film léger, qui a démo­cra­ti­sé l’accès à la créa­tion des jeunes cinéastes dans les années 1970 et 1980. Le jeu vidéo ama­teur ou asso­cia­tif per­met donc de faire vivre la démo­cra­tie cultu­relle, et d’utiliser ce média comme un moyen d’expression populaire.

Le deuxième niveau de réponse se loge dans le conte­nu des jeux créés. Créer un jeu néces­site de réflé­chir à ce que l’on sou­haite y voir, y entendre, y lire et y jouer. Comme tout acte de com­mu­ni­ca­tion, un jeu vidéo porte donc une vision du monde, des valeurs par­ti­cu­lières, etc. De plus, on recon­nait géné­ra­le­ment une carac­té­ris­tique « sys­té­mique » au jeu vidéo : son monde étant basé sur de la pro­gram­ma­tion, il est pos­sible d’y repré­sen­ter des sys­tèmes de repré­sen­ta­tions sur base d’actions/réactions. C’est la base de la pro­gram­ma­tion impé­ra­tive : si telle condi­tion est rem­plie, alors telle action doit sur­ve­nir. Par exemple si le joueur appuie sur espace, alors l’avatar doit sau­ter. Si mes pro­jec­tiles ren­contrent un sol­dat enne­mi, alors il meurt. Et si des civils appa­raissent dans la scène, quelle inter­ac­tion dois-je rendre pos­sible ? Puis-je les tuer ? Est-ce que, si je le fais, cela sera fait de manière à por­ter un dis­cours sur l’horreur de la guerre ? Ou est-ce que ça me fera juste gagner ou perdre des points ? Une fois que je me pose ces ques­tions, je peux reve­nir aux jeux aux­quels j’ai l’habitude de jouer : et dans telle œuvre appré­ciée, pour­quoi n’y a‑t-il aucun civil à l’écran ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Est-ce que le JV est un média plus « trans-classe » que d’autres car plus « pop » – dans le sens demandant moins de codes pour y accéder ? Permet-il d’autres choses en atelier avec des publics populaires ?

Le jeu vidéo, quand il est pris dans son ensemble, peut être vu comme un média trans-classe par excel­lence : toutes les couches de la popu­la­tion ou presque sont désor­mais en par­tie expo­sées à du jeu vidéo. Une fois que l’on rentre dans le détail par contre, l’on pour­ra voir des dif­fé­rences en termes de sup­ports de jeu (ordi­na­teurs, consoles ou smart­phones) ou de genres de jeux (fan­ta­sy, foot­ball, jeux nar­ra­tifs, etc.) et l’on retrouve alors les mêmes dif­fé­ren­cia­tions sociales que dans d’autres médias.

Ce sont des élé­ments à avoir en tête au moment de consti­tuer son dis­po­si­tif d’EP uti­li­sant le jeu vidéo : à mon sens il serait dom­ma­geable, par exemple, d’opérer une sélec­tion des « bons » jeux vidéo – au sens de « légi­times » pour les ensei­gner ou les expli­quer aux joueurs de « mau­vais jeux ». C’est un phé­no­mène qui existe quand des lieux d’exposition décident d’exposer des jeux qu’ils estiment comme poé­tiques (les clas­siques étant Jour­ney, Flo­wer, Dear Esther¸ Ico, Sha­dow of the colos­sus, etc.) mais jamais des jeux popu­laires (Fifa, Call of Duty, Fort­nite, etc.).

La ques­tion peut se retour­ner au moment de faire créer des jeux à des néo­phytes : quels jeux veulent-ils créer ? Sur base de quelles méca­niques ou his­toires ? Et sur­tout, en quoi cela témoigne-t-il d’un cer­tain rap­port au jeu vidéo ? Et, en tant qu’animateur, dois-je ou non expri­mer mes pré­fé­rences au groupe ?

On connait les lourds préjugés qui entourent le JV (un média pour enfants ou ados, isolant socialement, porteurs d’addiction et de violence…). Comment passe-t-on de ces préjugés à un usage en animation, notamment pour s’adresser à des publics d’adultes ?

La pre­mière chose à expli­quer, à mon sens, est que « jouer » ne consiste pas uni­que­ment à être col­lé à son écran. Fai­sons le paral­lèle avec la lec­ture (le livre étant le média légi­time par excel­lence) : le grand lec­teur ne fait pas que lire, il se rend en librai­rie pour choi­sir ses œuvres, il lit des cri­tiques, par­fois en écrit. Il se met dans de bonnes condi­tions pour dégus­ter son ouvrage, et ain­si de suite. Cela fait par­fois rire les non-joueurs la pre­mière fois, mais ce simple constat finit par l’emporter : tous ces rituels, le joueur de jeu vidéo les connait. Il choi­sit minu­tieu­se­ment ses jeux, se ren­seigne sur eux, se met dans de bonnes condi­tions, exerce son goût et son juge­ment sur eux, par­tage à ce sujet avec ses pairs, etc.

La deuxième chose à expli­quer, juste après, est que, lorsqu’il est « col­lé à son écran », le joueur res­sent des émo­tions, réflé­chit à ses actions, et ain­si de suite. Si nous regar­dions les grands lec­teurs en les sus­pec­tant d’être lobo­to­mi­sés par l’objet qui attire étran­ge­ment leur atten­tion, si nous en fai­sions des bar­bares incultes, nous aurions envie de les secouer pour qu’ils aillent plu­tôt prendre l’air ou regar­der une belle toile. Et ça n’aurait aucun sens.

La der­nière chose, plus clas­si­que­ment, consiste à mettre une manette entre les mains des adultes en ques­tion pour dis­cu­ter avec eux de ce qu’ils voient et res­sentent. En ani­ma­tion, cela peut prendre du temps, mais c’est un temps géné­ra­le­ment bien uti­li­sé. Je n’ai jamais pu y assis­ter, mais les acti­vi­tés menées par Julien Annart orga­ni­sées au Quai 10 « Viens jouer avec non­na » me sem­blaient très inté­res­santes à cet égard : un enfant allait faire média­tion entre son objet de pas­sion et son grand-parent.

La conception d’un jeu vidéo par un groupe peut-elle être, à l’instar de films ou de pièces d’atelier, un moyen pour ses membres de reprendre la main sur les représentations sociales qui sont produites sur eux ?

Lors d’un ate­lier à Bruxelles, orga­ni­sé par Arts & Publics, nous avons don­né l’occasion à des jeunes (10 – 13 ans) pri­mo-arri­vants et fré­quen­tant La Cité des Jeunes à Saint-Gilles de racon­ter une his­toire de migra­tion. Ils devaient écrire une petite his­toire et la trans­for­mer ensuite en jeu vidéo. C’était sou­vent émou­vant. Une mère est pas­sée en fin d’atelier et son regard expé­ri­men­té sur ces récits d’enfants visi­bi­li­sait un cer­tain déca­lage. Ces jeunes, qui ont créé Migra­tions, ont expri­mé leur vision per­son­nelle et une part impor­tante de leur vie. Beau­coup d’éléments des jeux créés racontent la vio­lence subie, la fuite de la guerre, la peur de la soli­tude. Au fond, au-delà du réa­lisme des his­toires créées, je visais sur­tout à légi­ti­mer ce type d’histoires et qu’ils aient vécu une semaine qui leur dise « mon his­toire mérite d’être racon­tée ». Maxime Ver­bes­selt (Action Média Jeunes) a orga­ni­sé cer­tains ate­liers avec des per­sonnes sans papiers, dans un centre de déten­tion. Ce type d’évènement a, j’espère, deux consé­quences : d’une part il peut modi­fier le rap­port des per­sonnes à leur his­toire (elle mérite d’être racon­tée), d’autre part, faire en sorte que ces per­sonnes par­ti­cipent à défi­nir ce qu’un jeu vidéo peut dire.

Quelles sont les spécificités de ce média par rapport à d’autres outils culturels employés par l’éducation populaire comme le théâtre-action, l’atelier d’écriture, le cinéma, la vidéo… ?

La prin­ci­pale dif­fi­cul­té d’utiliser le jeu vidéo réside sans doute dans la logis­tique qu’il faut déployer : chaque acteur cultu­rel n’a pas néces­sai­re­ment une dou­zaine d’ordinateurs rela­ti­ve­ment à jour pour mener ce genre d’activité. Il faut aus­si pen­ser à la pré­pa­ra­tion de ce maté­riel, son bran­che­ment, etc. Cela peut paraitre anec­do­tique, mais cela agit en réa­li­té aus­si sur le temps néces­saire aux acti­vi­tés. De plus, s’il est désor­mais pos­sible de réa­li­ser des ate­liers de créa­tion en uti­li­sant des outils qui faci­litent gran­de­ment le pro­ces­sus (notam­ment sur le plan de la pro­gram­ma­tion), il reste néces­saire d’avoir quelques heures de pra­tique pour être en mesure de créer soi-même. J’imagine, mais je n’y connais rien, qu’à cet égard d’autres dis­po­si­tifs uti­li­sant un papier et un crayon seront beau­coup plus souples. L’avantage qu’il y a à uti­li­ser le jeu vidéo recoupe ce que j’ai pu dire pré­cé­dem­ment : s’investir dans une pra­tique cultu­relle contem­po­raine et impor­tante, son aspect sys­té­ma­tique, etc.

Qu’est-ce que vous conseilleriez à un animateur socioculturel qui hésiterait à se lancer dans des animations liées au JV car « il n’y connait rien en JV » ? Est-il vraiment nécessaire d’être un « gamer » ou s’y connaitre en technique pour développer des animations liées au JV ?

Je consi­dère qu’un des ate­liers les plus satis­fai­sants que j’ai don­né a été le pre­mier – celui qui a don­né lieu à Chô­meurs Blas­ter à Liège. Je n’y connais­sais pas grand-chose en créa­tion de jeu vidéo et j’ai orga­ni­sé l’atelier de manière à être clair à ce sujet. L’organisation a été très hori­zon­tale et lorsqu’un pro­blème se posait, tout le monde s’y met­tait. J’ai beau­coup appris à cette occa­sion. Je crois que le regard naïf et accul­tu­ré a par­fois du bon et per­met d’engager une rela­tion plus inté­res­sante avec les animé·es. Cela oblige l’animateur ou l’animatrice à écou­ter. Au cours des ani­ma­tions Liè­ge­Craft, où viennent régu­liè­re­ment des joueurs expé­ri­men­tés de Mine­Craft, les jeunes m’apprennent très sou­vent de nou­velles com­pé­tences. Au pas­sage, j’essaie de les inter­pel­ler sur le sens des actions posées et d’avancer avec eux. En dehors des for­ma­tions exis­tantes, un ani­ma­teur à qui on don­ne­ra un peu de temps pour se for­mer seul sur le plan tech­nique trou­ve­ra assez faci­le­ment des tuto­riels en ligne.

Pourquoi un relatif manque d’intérêt du secteur de l’EP pour ce médium voire une certaine peur de s’y intéresser ? Quels sont les freins à son utilisation que vous avez identifiés dans le secteur ? Et les moyens de les dépasser ?

Je ne crois pas qu’il y ait un manque d’intérêt pour le jeu vidéo au sein de l’EP. Je ren­contre très sou­vent des ani­ma­teurs ou res­pon­sables qui essaient de lan­cer des pro­jets. La moti­va­tion pre­mière est sou­vent de ren­con­trer leur public sur un ter­rain qu’ils appré­cient au préa­lable. Mais, très sou­vent, ces tra­vailleurs sont dému­nis dans la manière d’utiliser le jeu vidéo de manière per­ti­nente. J’entends très sou­vent ce sou­hait de trou­ver la manière juste et adé­quate à leurs sou­haits et ambi­tions péda­go­giques. C’est pour­quoi le Liège Game Lab va orga­ni­ser, dès le début de l’année 2021, le pre­mier cer­ti­fi­cat uni­ver­si­taire spé­ci­fi­que­ment sur l’analyse de la culture vidéo­lu­dique et l’utilisation de jeux vidéo en milieu socio­cul­tu­rel [voir enca­dré]. Cela fait plu­sieurs années que nous avons des demandes de for­ma­tion ou de confé­rence sur ce sujet et il nous sem­blait inté­res­sant de contri­buer à accom­pa­gner le sec­teur asso­cia­tif dans ces démarches.

Face à la contrainte technique, des alliances sont-elles possibles avec des professionnels du jeu ? Quels acteurs existent pour ne pas devoir en passer par le partenariat avec le monde marchand ?

Jusque-là, j’ai évi­té au maxi­mum les inter­ven­tions de per­sonnes trop « légi­times » dans mes ate­liers, qu’elles soient issues du milieu du jeu vidéo ou du sec­teur cultu­rel en géné­ral. Je crois qu’il faut bien connaitre les per­sonnes et être à même de choi­sir celles qui vien­dront ani­mer un groupe ou dis­cu­ter avec, plu­tôt qu’un expert qui vien­dra dif­fu­ser son « savoir ». Les logiques pro­fes­sion­nelles de la créa­tion reposent sur des fac­teurs assez dif­fé­rents de ce qu’on peut faire dans le milieu asso­cia­tif : recherche d’un public cible, étude de mar­ché, etc. Ici l’idée est avant tout d’aider un groupe à s’exprimer. En tra­vaillant avec des indé­pen­dants que je connais­sais bien, et qui accep­taient de mettre leurs com­pé­tences au ser­vice de ces per­sonnes, cela m’a par­fois aidé à avan­cer plus vite sur la pro­gram­ma­tion et, sur­tout, le dessin.

Dans le paysage cinématographique, il existe une spécificité très belge à côté des maisons de production privées et des subsides publics communautaires, celle de l’Atelier de production (comme le GSARA, AJC!, le CVB, Atelier Graphoui…). Ces acteurs non-marchands et associatifs reçoivent des subsides publics pour soutenir financièrement et/ou techniquement la création de films sortant des canons strictement marchands (documentaires, films expérimentaux, sociaux, d’éducation permanente…). Ils offrent aussi un soutien technique et matériel à divers projets et activités audiovisuels d’éducation permanente. Un tel dispositif serait-il probant pour le jeu vidéo ? Un secteur « para-public » du jeu vidéo apporterait-il de la vigueur au développement d’autres récits ou d’autres usages ?

En un mot : oui ! En quelques années, quelques asso­cia­tions ont émer­gé en Bel­gique fran­co­phone ou se sont spé­cia­li­sées dans l’utilisation du jeu vidéo : le C‑Paje à Liège, Action Médias Jeunes à Namur, Arts et Publics à Bruxelles, le Point Culture de Lou­vain-La-Neuve… Il n’est pas impos­sible que ce soient les pré­mices de nou­velles struc­tures qui pour­raient mener à une cer­taine forme de « pro­fes­sion­na­li­sa­tion » des pro­jets menés (mais tou­jours en dehors du côté mar­chand). Ce serait sou­hai­table. Les jeux créés en ate­liers sont pour le moment sur­tout uti­li­sés comme des sup­ports péda­go­giques ou de sen­si­bi­li­sa­tion lors d’évènements menés par ces acteurs, mais peut-être fau­drait-il aller plus loin. Le jeu vidéo a été trop long­temps lais­sé aux mains des seuls acteurs pri­vés, il est temps que des ins­ti­tu­tions sans but lucra­tif s’en emparent et en fassent un média apte à com­mu­ni­quer d’autres points de vue, d’autres conte­nus et qu’elles per­mettent à un plus grand nombre de s’emparer des moyens de créa­tion qui existent actuellement !

Une formation à la culture vidéoludique pour le non marchand

Le Liège Game Lab organise, en partenariat avec la Haute École de la Ville de Liège et le Digital Lab, le premier certificat universitaire entièrement dédié à la culture vidéoludique et à son utilisation à des fins professionnelles. De janvier à juin 2010. Destinés aux professionnel·les de l’éducation permanente, de l’animation socioculturelle, de l’enseignement, des centres culturels, des musées… elle propose dans le cadre de pédagogies dynamiques d’appréhender la culture vidéoludique et ses enjeux. Toutes les infos ici.

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