
Retour à la fin des années 80. Du côté des terres de l’Oncle Sam, plus précisément en Californie, Exodus devient une des figures de proue du mouvement thrash metal. Gary Holt, guitariste et parolier d’Exodus, pose sur le papier ces quelques lignes incendiaires : « Le système pénitentiaire, intrinsèquement injuste et inhumain, est l’expression ultime de l’injustice et de l’inhumanité dans la société en général. Ceux d’entre nous qui sont à l’extérieur n’aiment pas penser que les directeurs et les gardiens sont nos substituts, mais c’est pourtant le cas. Et ils sont intimement enfermés dans une étreinte mortelle avec leurs captifs humains derrière les murs de la prison. Par extension, nous le sommes aussi. Un terrible double sens est ainsi donné à la question originelle de l’éthique humaine : Suis-je le gardien de mon frère ? »
Ces mots, ce sont les quarante-huit premières secondes de The Last Act of Defiance, titre d’ouverture de l’album Fabulous Disaster. Ces mots et ceux qui suivent, ce sont également ceux qui décrivent l’émeute la plus violente jusqu’à ce jour dans l’histoire des États-Unis, celle du pénitencier de l’État du Nouveau-Mexique. En cause : des conditions de détention désastreuses. La nuit de l’émeute, le 2 février 1980, la prison contenait 1156 détenus pour moins de 963 lits. Les prisonniers reconnus comme violents n’étaient pas séparés les uns des autres. Les dortoirs étaient surpeuplés et insalubres. Les programmes éducatifs, récréatifs et de réhabilitation venaient d’être annulés. Il n’en fallait pas plus pour que tout explose à la moindre étincelle.
Les prisonniers prendront pendant 36 heures le contrôle total de la prison. Douze officiers de police seront pris en otage, 33 prisonniers perdront la vie. « Une mer d’agonie déferle comme une marée. Les plus chanceux échappent à la folie par le suicide Les cris des mourants hantent le monde, torture et incinération se répandent », entonne d’une voix nasillarde Steve Souza, le vocaliste d’Exodus, pendant les refrains.
Selon World Prison Brief, une base de données sur les systèmes pénitentiaires du monde entier, les États-Unis demeurent les plus grands adeptes de la cellule : 541 personnes sous les verrous pour 100.000 habitant·es. Mais la Belgique n’est pas en reste. Inscrite à la 89e place du classement (sur 224), située entre le Niger et Tadjikistan, elle affiche au compteur 106 personnes incarcérées pour 100.000 habitant·es.
« Comme des requins en proie à la frénésie, ils se sont acharnés sur leur proie. Lorsque la folie a pris fin, le sang était trop intense pour être compris. Personne n’a expliqué la véritable raison que par la cruauté de quelques-uns, Tant de gens devaient mourir. Ils connaissaient les risques, mais continuaient d’insister sur le fait que la cause était justifiée ». Comme le rappelait une carte blanche d’Olivia Nederlandt (UCLouvain) et Aurore Vanliefde (KULeuven), publiée en octobre 2024, la surpopulation carcérale entraîne des conséquences désastreuses, tant pour les personnes détenues que leurs proches, mais aussi pour le personnel pénitencier. Et plus globalement, au sein de la justice pénale. Le cœur du problème n’est pas la « surpopulation » — la pointe de l’iceberg — mais bien l’inflation carcérale. Le taux d’enfermement n’a en effet jamais été aussi haut en Belgique.
La peine de surveillance électronique, la peine de travail, la peine de probation autonome, l’amende ou encore le sursis, les alternatives ne manquent pas. Des pistes pour le gouvernement Arizona ? Résolument pas. « Compte tenu de l’énorme pression qui pèse sur nos prisons et tant que la capacité carcérale nationale est insuffisante, nous essayons de conclure des accords, à l’instar du Danemark, avec d’autres états de droit européens pour y construire ou louer des prisons où les détenus en séjour illégal ayant été condamnés définitivement pour des crimes ou délits pourront purger tout ou partie de leur peine de prison si le transfèrement n’est pas possible ni souhaitable », indique l’accord de gouvernement. Ce n’est donc pas demain que les prisons désempliront. Et pourtant ça coûte, autant en euros qu’en vies humaines. Quand l’idéologie passe avant le pragmatisme, quelles qu’en soient les conséquences…