
Faites le test : réfléchissez à quelques noms de groupes de metal que vous pourriez connaitre. Essayez ensuite de vous souvenir de leur provenance. Un pays européen ? Les États-Unis ? Avouons-le, il y a peu de chances que la Mongolie soit parmi les réponses qui sortent les premières… Et pourtant, à un peu moins de neuf-mille kilomètres de Bruxelles, à Oulan-Bator, quatre musiciens ont décidé il y a quelques années d’unir leur amour pour les guitares saturées et de former « The Hu ».
Bien qu’inspirés par de grands noms qui ont forgé l’histoire de ce style musical, les artistes n’en ont pas moins gommé leurs origines culturelles. Tout du contraire ! Sur une base de heavy metal, The Hu y a implémenté l’art du Khöömei (chant de gorge), de la flûte tsuur et du Morin Khuur (violon à tête de cheval). Un mélange pour le moins détonnant et folklorique… qui ira jusqu’à intriguer l’UNESCO, qui les nommera à la fin de l’année 2022, « Artiste de l’UNESCO pour la paix ».
Car si leur patrimoine musical mongol est dès lors mis en avant et perpétué, il en va de même pour leur philosophie. « Nous avons implanté un message sous-jacent dans tout notre travail : aimer son environnement, la nature elle-même. Nous devons aimer notre mère nature de la même manière que nous aimons nos véritables mères. C’est vraiment important pour nous, c’est un message que nous voulons absolument faire passer ». Mère nature, une figure qui revient un an après leur nomination par l’UNESCO, dans le clip animé de leur morceau « Sell the World ». Mais bien sûr, à la sauce metallesque : une table sur laquelle est posé un corps féminin, mort, prêt à être autopsié. Un public déshumanisé et avide est prêt à assister à l’acte. Le corps est ouvert, les organes sont ôtés, pesés et mis aux enchères. Mère nature, poussée dans ses ultimes retranchements, se voit finalement partagée aux plus offrant·es par ces mêmes personnes qui l’ont poussée au trépas.
« Laisse un enfer à ta progéniture — Détruire tout ce qui est vendable — Rester là en prétendant que c’est la vie ». Le tempo lourd du morceau accompagne cet arrière-goût pour le moins amer, qui n’est métaphoriquement pas sans rappeler le dérèglement climatique auquel nous assistons depuis quelques années, impuissant·es et impuissanté·es. Des inondations qui ont frappé la Belgique en 2021 à celles en Espagne en octobre 2024, où les décès se comptent en dizaines voire centaines de morts, où les dégâts matériels deviennent astronomiques. Sans compter les pays où les thermomètres explosent tous les records, laissant un air irrespirable et suffocant. Bienvenue dans le monde d’après, où il a été reconnu que nous avons connu la décennie la plus chaude jamais enregistrée.
« Gaspiller les eaux souterraines jusqu’à la dernière goutte — Rester assoiffés sur la terre desséchée avec vos pièces de monnaie — Continuer à saccager ». Les manifestations pré-période Covid en faveur du climat et de l’environnement sont déjà loin. La ferveur étudiante en une mobilisation de masse pour faire évoluer les mentalités politiques ont désormais laissé la place à des déclarations gouvernementales où les mesures visant à protéger le vivant sont reléguées au rang de l’anecdotique. Sans compter la réélection aux manettes des États-Unis de Donald Trump, qui a d’ores et déjà promis de se retirer à nouveau de l’Accord de Paris sur le climat. Lors de son précédent mandat, en quatre ans, le climatosceptique notoire était revenu sur 208 réglementations environnementales. Notons aussi que seulement un tiers d’entre elles avait été remise en vigueur par le gouvernement Biden. Un coup de frein à main pour un changement de direction à 180 degrés sur l’autoroute de l’illogisme, les pneus fumant sur un bitume brulant.
En attendant, The Hu poursuit son chemin. En avril 2023, pour célébrer la Journée mondiale de la Terre, le 22 avril, la formation a annoncé qu’une partie des revenus de ses concerts serviront à planter 12 000 ormes de Sibérie dans la région désertique du sud-est de la Mongolie. Et sans oublier une certaine « metal touch » : ces plantations prendront la forme de son logo, un léopard à une corne, inspiré d’un ancien symbole utilisé par les tribus hun. Pendant que certains érigent des murs, d’autres plantent des arbres.