Quiconque a écouté du rock dur au début des années 2000 est nécessairement passé par la case System of a Down (SOAD). Un véritable ovni tout droit sorti de Californie, avec son chant tantôt mélodieux, tantôt énervé et ses mélodies si caractéristiques, altérant ces plages planantes avec des riffs acérés et corrosifs. Le tout englué dans un paysage sonore aux accents de l’Europe de l’Est. Car même s’ils ont élu domicile au pays de l’Oncle Sam, les artistes du groupe sont tous quatre originaires d’Arménie. Et s’ils sont connus pour mettre le feu aux salles de concert, ils profitent également de leurs compos comme véhicules politiques. Rappelons par exemple une de leurs dernières grosses tournées européennes, en 2015, où System of a Down n’avait joué que dans les pays où le génocide arménien était reconnu. L’Arménie commémorait alors les cent ans de ce massacre où les deux tiers des Arménien·nes qui vivaient alors sur le territoire actuel de la Turquie avaient perdu la vie sous le coup des déportations, des famines et des massacres de grande ampleur.
« Dire à un artiste qu’il doit se contenter de jouer de la musique et ne pas parler de politique, c’est comme dire à un journaliste qu’il doit se contenter de faire des interviews et ne pas réparer les – je ne sais pas – toilettes, ou autre chose. Cela n’a pas de sens. Nous sommes des êtres dynamiques et sensibles. Nous pouvons être bons dans plus d’une chose. Et si ce n’est pas le cas, c’est votre problème », a déclaré Serj Tankian, vocaliste du groupe, dans une interview accordée à G1, un portail d’information brésilien. C’est dans un même esprit que SOAD s’est attaqué au système carcéral des États-Unis, dans le morceau Prison Song. En ligne de mire : l’incarcération massive de jeunes pour possession et trafic de drogues. « Les petits délinquants de la drogue remplissent vos prisons sans que vous ne bronchiez. Tous nos impôts financent vos guerres contre les nouveaux non-riches », avant de rappeler un peu plus loin que « le pourcentage d’Américains dans le système carcéral a doublé depuis 1985.»
En effet, depuis les années 1970 et puis sous l’ère Reagan, les États-Unis mènent une guerre sans merci contre la drogue. Selon le site Internet World Prison Brief, une référence internationale en la matière, les États-Unis comptent 1.767.200 personnes détenues, soit 531 personnes pour 100.000 habitant·es. Cela fait plusieurs années que les États-Unis figurent au top des pays qui emprisonnent le plus de personnes. Et ce, malgré un chiffre en diminution (la population carcérale est montée jusqu’à plus de 2,3 millions de détenu·es en 2008).
« Toutes les recherches et les politiques efficaces en matière de drogues montrent qu’il faut augmenter le nombre de traitements, et réduire l’application de la loi tout en abolissant les peines minimales obligatoires » s’époumone Serj Tankian en fin de morceau. Un constat qui résonne également en Belgique. En effet, même si notre pays connait un taux d’enfermement bien plus faible (97 personnes détenues pour 100.000 habitant.es), la surpopulation carcérale est pour le moins bel et bien présente.
Un constat qui ne pourra aller qu’en s’aggravant : depuis le début du mois de septembre, les personnes condamnées à une courte peine — moins de deux ans — doivent automatiquement la purger en prison. La Belgique occupe par ailleurs la première place du podium en ce qui concerne le pourcentage de personnes incarcérées pour des faits liés à la drogue. Au 31 janvier 2022, moment où les statistiques du Conseil de l’Europe ont été arrêtées, 51% des détenus se trouvaient ainsi derrière les barreaux pour cette raison, loin devant la Lettonie (43%), et l’Azerbaïdjan (37%) et très loin devant la moyenne européenne (19%).
L’ensemble des prisons en Belgique est entré en grève, du 24 au 26 septembre derniers, afin de dénoncer les conditions de détention et de travail inhumaines qui règnent dans les prisons ainsi que pour réclamer du personnel supplémentaire. Vincent Van Quickenborne, ministre de la Justice, a quant à lui déclaré « ne pas avoir de baguette magique pour un problème qui dure depuis de si nombreuses années ». Dont acte.