
La place de l’arbre est essentielle dans l’absorption du CO2, on n’en doute guère. En même temps, comme dirait l’autre, on en a besoin de ce bois : va‑t’en faire des meubles, du papier, te loger ou te chauffer sans bois !
Avec un peu de bon sens, on se rend bien compte que couper un arbre, ça n’empêche pas d’en replanter un autre. Ou plus. En tout, nous disent les spécialistes, on pourrait recréer des forêts sur 900 millions d’hectares morcelés sur la planète, deux fois le bassin amazonien : c’est pas rien.
Et c’est déjà en route ! Par exemple, Manu (il adore qu’on l’appelle comme ça) l’a promis : il va planter un milliard d’arbres en France dans les 10 années qui viennent ! Pas tout seul bien sûr, mais c’est quand même, comme il dit, un formidable chantier écologique. On ne le contredira pas là-dessus.
Et puis, y’a tous ces braves gens qui s’y mettent. Par exemple, HSBC, une banque à la réputation irréprochable (une fois mis à part les habituels moutons noirs qui entachent une honnêteté sans faille), s’est engagée dans une nouvelle politique « Zéro Déforestation » annonce fièrement Greenpeace. Finis l’huile de palme et le massacre des orangs-outangs ! Dans le secteur de la publicité, la régie France Télévision Publicité par exemple (chiffre d’affaires : plus de 400 millions d’euros en 2021) propose à ses « partenaires » (ceux qui achètent des espaces publicitaires) de participer à la plantation de 2 000 arbres dans la forêt de Gesté, en Maine et Loire ! Sans parler de ses efforts incessants : lors d’une émission genre écolo, la régie a commercialisé deux écrans publicitaires exceptionnels qui ont permis de récolter 202 500 € nets, intégralement reversés à France Nature Environnement. Chez nous, en Brabant wallon, a été lancée une merveilleuse initiative, « Plant your business tree ». Tout un programme, non ? Auquel, en entre autres, des banques comme BNP Paribas Fortis et ING participent, de même que l’Union Wallonne des Entreprises, ou encore Land Rover & Jaguar, et même des entreprises de gestion de capitaux (dont une autoproclamés « roi et reine de l’optimisation fiscale »)… Ils soutiennent une campagne de plantation d’une forêt primaire ( ?) à Madagascar, puis en BW, des vergers (150 plantes, quand même !), une forêt urbaine de 1200 m² au quartier d’affaire de l’Axisparc, etc.
Politiques, banques, publicitaires, entreprises : tout le monde s’y met. Le cœur sur la main et sans arrière-pensées. On assiste à un véritable renversement de valeurs, n’est-ce pas ? Et pourtant y’en a qui chipotent – faut toujours un quarteron de discutailleurs. Par exemple, chercheurs de l’Institut de recherche de Potsdam ont démontré que si on logeait 90 % de la population mondiale dans des bâtiments de moyenne hauteur — 4 à 12 étages — construits en bois (plutôt qu’en ciment ou en béton), ça permettrait d’éviter plus de 100 milliards de tonnes d’émissions de CO2 jusqu’en 2100. De quoi réjouir tout le monde. Ben non : des pinailleurs écolos prétendent que les coupes de bois se feraient non seulement au détriment de zones naturelles non protégées mais que ça pourrait accroître une perte future de biodiversité. J’te jure : on leur dégotte une solution mais faut toujours qu’ils aillent chercher la p’tite bête…
Les gens qui ont étudié sérieusement cette affaire, ils le disent clairement pourtant : ce qu’il faut c’est une gouvernance forte et une planification minutieuse. Et de ce côté-là on est tranquille. Gouvernance et planification sont, c’est bien connu, les maîtres-mots de la chaîne de valeur du bois (tu vois : je me tiens au courant, on n’dit plus du tout filière, mais chaîne de valeur maintenant). Comme je suis d’une parfaite honnêteté et d’une bonne foi jamais prise en défaut, je reconnais qu’il y a encore quelques malandrins qui abusent un peu et qui coupent à tort et à travers. Mais d’après la FAO, un truc des Nations-Unies, ce qui menace le plus les arbres c’est l’augmentation de la population, qui entraîne des besoins accrus en agriculture et pâturage. Ils disent que, oui, il y aurait bien un peu de surexploitation forestière, mais moi je le répète : « gouvernance » et « planification » vont remédier à ça. Sans compter les humanistes de l’agroalimentaire qui vont nourrir tous ces gens surnuméraires.
Bon d’accord, là tout de suite, près d’un tiers des 60 000 espèces d’arbres dans le monde sont menacées d’extinction, mais on voit bien que ça va s’arranger : gouvernance et planification, rogntudju !