Le photographe Lukas Doulsan a grandi à Montreuil. Il vit et travaille actuellement à Marseille. Lors de sa formation au Septantecinq, Ecole Supérieure des Arts de l’image de Bruxelles, il découvre l’intensité de la division de la Belgique. Une séparation non de fait, plutôt un sentiment diffus, poussé à son paroxysme sous l’étendard du nationalisme flamand. C’est la lecture d’une tribune publiée en avril 2021 dans la presse belge qui finit de le convaincre d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté de la frontière linguistique. Pour rendre visible l’empreinte actuelle du mouvement nationaliste flamand. S’enclenche alors une approche anthropologique. Lectures, recherches, rencontres… Quand il estime avoir suffisamment de matière, Lukas Doulsan prend rendez-vous avec les images. Avec pour résultat une série de photos « Le chagrin des Belges », exposée notamment à la galerie Contretype au printemps 2025, qui donne à voir des traces ou symboles nationalistes en Flandres. Ou comment on vit encore de nos jours aux côtés d’une certaine bourgeoisie flamande qui sourit aux exactions du régime nazi. Quand la Belgique d’hier regarde celle d’aujourd’hui.
Antwerpen - Archief voor Nationale Bewegingen (ADVN)
Passage dans le rayonnage des Archives des mouvements nationaux à Anvers. « V » comme Cyriel Verschaeve, homme d’église et figure de proue du mouvement nationaliste flamand (1874 - 1949). Radicalisé, il collaborera activement avec l’Allemagne nazie. Un « Bekende Vlamingen » (Flamand célèbre) encore honoré aujourd’hui dans les mouvances politiques nationalistes et indépendantistes flamandes.
Roeselare – Statue d’Albrecht Rodenbach
Dans « De Blauwvoet » (« Les pieds bleus »), d’Albrecht Rodenbach, poète flamingant (1856 – 1880), l'oiseau brave la tempête pour amener « la chanson des fils flamands ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, le parti nazi néerlandais NSB reprend le symbole de la mouette. Aujourd’hui, c’est le logo du PVV (parti d'extrême-droite hollandais) de Geert Wilders et d’autres associations fascisantes.
Diksmuide – Tour de l’Yser
Cette tour inaugurée en 1930, lieu de commémoration de la Première Guerre mondiale, devient rapidement le lieu de pèlerinage du Vlaams Nationaal Verbond (VNV) – parti d'extrême-droite et antibelge. Dynamitée par un groupe de résistants en 1946, elle sera reconstruite en 1965 pour le plus grand bonheur des nationalistes. L’endroit reste un lieu de rassemblement annuel du Vlaams Belang et de ses représentants politiques.
Zedelgem – Vestige d’un bunker
Lors de la Seconde Guerre mondiale, la Lettonie s’est retrouvée à la frontière de la lutte entre l’URSS de Staline et le IIIe Reich d’Hitler. Certains Lettons firent le choix de rejoindre les rangs de l'Allemagne nazie. Partis combattre à l’Ouest, douze mille légionnaires lettons de la 15è division et 19è division Waffen SS ont été faits prisonniers à Zedelgem. Les stigmates de la guerre trainent encore ; un bunker et un monument en hommage aux prisonniers de guerre lettons.
Leopoldsburg – Caserne militaire
Catégorisé par l’Organe de Coordination pour l’Analyse de la Menace (OCAM) « d’extrémiste potentiellement violent », Jürgen Conings, caserné à Leopoldsburg, menace de s’en prendre à des structures de l’État et à un virologue médiatisé. Le 18 mai 2021, le militaire disparaît. Traqué par des centaines de militaires et de policiers, son corps sera retrouvé le 10 juin. Un suicide.
Roeselare – Café Vlaams Radikaal
Ce jour-là, comme beaucoup d’autres au cœur de la campagne électorale, l'établissement « Gezelle. Vlaams Radikaal » accueille un rassemblement du Vlaams Belang où des élus du parti sont invités à s'exprimer. Derrière les fenêtres grillagées, on s’affaire. L’endroit est prisé pour croiser des personnalités du Belang et placarder des affiches jaunes et noires.
Antwerpen – Pot op de Winter
Détail d’une manifestation contre la visite de Filip Dewinter à l'université d'Anvers où il est invité par l'organisation étudiante nationaliste Nationalistische Studentenvereniging (NSV). Ex-figure de proue de l’extrême-droite flamande, Dewinter est aujourd’hui député Vlaams Belang au Parlement flamand. « Pot op ». On dit « Va te faire voir » en français.