
« J’ai repris l’escalier de Penrose - cette illusion optique d’un escalier qui descend sans fin – transposé dans ce monde de bureaux avec des gens qui sont en train de contrôler celui qui est devant. Je voulais illustrer l’idée du « petit chef » qui est l’un des types de « bullshit jobs » que décrit David Graeber dans son livre, à savoir des échelons intermédiaires de management qui ne servent pas à grande chose à part de justifier un emploi… »

« Un couple se prend en photo à côté d’un chômeur mis au pilori. C’est probablement eux qui lui ont lancé dessus des tomates pourries… C’est l’idée du chômeur comme bouc émissaire. On est vraiment bien là-dedans aujourd’hui avec l’Arizona. Cette idée qu’il est un parasite, une honte, un glandeur qui coule la sécurité sociale. Et qu’il est responsable de tout ce qui lui arrive, car il ne s’est pas assez activé et doit donc être lourdement blâmé pour ça. »

« Des travailleur·euses de call center dans une galère. On leur fait miroiter une flexibilité qui les « libérera », leur permettra de mieux jongler avec leur vie de famille, de gérer au mieux leur temps de travail alors que c’est tout le contraire. Car rajouter de la flexibilité finit bien souvent par enchainer encore plus les gens à leur boulot et à y subir des cadences encore plus effrénées. »

« Dans Bullshit Jobs de Graeber, une femme témoignait au sujet de sa hiérarchie : elle décrivait vraiment son rapport avec un « petit chef » comme une relation SM non consentie ! J’ai vraiment gardé cette image telle quelle, ça me faisait marrer. Il y a pourtant tellement d’autres manières plus intéressantes de s’organiser et de fonctionner au travail, que ce soit horizontalement dans une coopérative ou même tout simplement par collaboration d’égal à égal. »

« Le père d’un ami décrivait les agences d’intérim comme de nouveaux marchés aux esclaves. Parce qu’elles ont plein de dérogations au droit du travail. On peut t’appeler et te dire qu’on a besoin de quelqu’un dans deux heures mais ça ne va pas t’ouvrir un droit aux congés de maladie s’il y a un souci. Tu n’as aucune protection du travail, tu es taillable et corvéable à merci. Et finalement tu te retrouves avec deux patrons plutôt qu’un. »

« Dans plein d’entreprises, notamment dans la tech, on prétend veiller au bien-être des travailleur·euses en leur permettant de jouer au jeu vidéo à leur pause ou de faire la sieste au bureau. Mais en fait malgré le masque du fun, l’idée est toujours la même : augmenter ta productivité ; ton bien-être, on n’en a, en réalité, rien à foutre. Cette ambiance de fun au travail peut même créer une pression émotionnelle supplémentaire quand elle insiste sur le fait d’être toujours souriant, enthousiaste, positif et jamais crevé. »

« C’est une référence à Bernard Friot qui parle du plein emploi comme d’une chimère. On voit un personnage qui brandit un mouton à cinq pattes, bref un truc qui n’existe pas. On entend partout dire qu’il faut atteindre le plein emploi et on dérégule le travail partout dans ce but. Or, on sait bien que le plein emploi n’existera jamais. Même dans un système capitaliste parfait, il y aura toujours quelque chose comme 5 % de chômage frictionnel lié au roulement des emplois. Sans compter les automatisations ou les délocalisations. »

« C’est une illustration directe d’une phrase de Frédéric Lordon : « le salariat, c’est une prise d’otage ». C’est un peu caricatural parce que le salariat a aussi amené certains avantages en termes de protection, mais je voulais néanmoins illustrer cette idée qu’à partir du moment où on signait un contrat de travail, donc de subordination à quelqu’un, on n’était plus libre de faire ce qu’on voulait et dépendions du bon vouloir de nos patrons. »

« Compter notre temps en heure, qui n’est pas quelque chose de naturel, c’est vraiment lié à la révolution industrielle et l’apparition du salariat. Et bosser 38 heures par semaine non plus ! Ici, des gens sont pris dans sablier qui les broie. C’était pour donner l’idée du temps contraint, le fait de ne pas pouvoir combiner son temps personnel et son temps de travail, qu’on est toujours en train de courir à gauche à droite pour quelques billets qui finalement tombent dans la poche de quelqu’un d’autre. »

« C’est un exemple pour rendre compte de la division genrée du travail. Et aussi, avec les paires de chromosomes féminine et masculine, une astuce pour des mots commençant par X et Y ! Quand la cuisine fait partie des tâches domestiques majoritairement dévolues aux femmes, c’est galère et pas du tout valorisé : c’est normal que ce soit bobonne qui fasse la tambouille...

... Mais quand c’est un homme en cuisine, celle d’un resto, c’est merveilleux et devient un travail qui mérite d’être mis en valeur et d’être payé grassement. »
Contact de l’artiste : auboulotc@nubo.coop / Instagram : Mari.uske