
François Lenglet, le « Monsieur Économie » des JT de France 2, en est l’incarnation par excellence : pour prêter crédibilité au dispositif d’information de la chaîne, il « fait l’économiste ». Ventriloque de la rhétorique néolibérale, il répète « il faut », « on doit », « on ne peut pas » sur un ton professoral et souvent comminatoire. Mélange toxique d’idéologie et d’incantation, ce type de commentateur invoque davantage les pouvoirs supérieurs du dogme économique qu’il n’en explique le rôle et l’influence sur les politiques décidées ou, au contraire, repoussées.
Le dernier livre d’Éloi Laurent opère une déconstruction de « nos mythologies économiques » (mythologie néolibérale, mythologie social-xénophobe, mythologie écolo-sceptique), en même temps qu’il met au jour leur raison d’être. Là où la parole politique ne porte plus, l’économie mythologique fournit une autorité de substitution.
En même temps, le mantra économique met en scène le grand air de la fatalité économique. Le paradoxe, pointé par l’auteur, n’est pas mince : la crédibilité économique, qui sert de socle à l’injonction permanente au changement et à la réforme, « enferme les individus et les groupes dans le monde tel qu’il est en disqualifiant les dissidences et en étouffant les pensées nouvelles ». Elle dresse des écrans de fumée au cœur du débat public et empoisonne l’esprit démocratique, en dévorant la légitimité politique et en s’incrustant dans l’opinion publique. C’est là qu’il faut aller la déloger pour la remettre à sa place. Non pas en rétablissant la « vérité économique », qui n’existe pas, mais en redonnant goût au questionnement économique.
Marc SinnaeveNos mythologies économiques
Éloi Laurent
Les liens qui libèrent, 2016