
Lorsque Manu Scordia va découvrir l’histoire de l’emprisonnement arbitraire d’Ali Aarrass,
il va s’appuyer sur son talent d’illustrateur et de scénariste pour contribuer à rendre publique cette terrible histoire. Petit rappel des faits : Ali Aarrass, citoyen belgo-marocain, est arrêté en 2008 par la police espagnole, qui le soupçonne de trafic d’armes et d’appartenance à un réseau terroriste. Bien que son procès aboutisse à un non-lieu faute de preuves, il est extradé au Maroc, où il reste emprisonné alors que les autorités belges font peu de cas de cette injustice. Ali Aarrass est donc le récit d’une véritable descente aux enfers, et décrit, des années de jeunesse à l’enfer carcéral, comment un homme sans histoire est devenu la cible puis la victime de l’arbitraire, qui l’a conduit au fond d’une geôle marocaine où il a connu la torture.
Le dessin en noir et blanc au trait très expressif se met avec force au service de l’intensité du récit et des émotions qui accompagnent les évènements. Au fil des trois parties de ce livre, l’auteur donne la parole à trois protagonistes : Ali, sa sœur Farida et son épouse Houria. Le lecteur accompagne les personnages dans leurs hauts et bas, leurs espoirs, leurs petits moments de joie mais également leur grande détresse. Certains dessins en contre-plongée, ainsi que les natures mortes illustrent avec force le vertige d’impuissance et l’angoisse vécus par Ali Aarrass et ses proches, tout au long de cette terrible incarcération. Un livre que l’on parcourt donc en retenant son souffle… Mais il s’agit aussi du récit d’une lutte et d’une résistance, que ce soit de la part d’Ali Arrass lui-même ou de ses proches, dont la détermination et le courage forcent l’admiration. Ali Aarrass a obtenu en 2019 le « Prix Le Soir de la BD de reportage » et constitue un livre fort et engagé dont la lecture ouvre un questionnement, au-delà de la situation spécifique d’Ali, sur le fonctionnement de la justice et le sort des binationaux.
Barbara MourinAli Aarrass
Manu Scordia
Vide Cocagne, 2019