
Le dessinateur Jérémie Moreau poursuit, avec sa nouvelle BD Alyte, son œuvre d’écologie et d’antispécisme sensible débutée avec Le discours de la Panthère et Les Pizzlys. Cette fable écologique douce-amère qui raconte la quête initiatique d’un jeune crapaud accoucheur — justement prénommé Alyte — est enchanteresse et plus profonde qu’elle n’y parait. Elle emprunte aux codes du manga tout en exploitant une palette de couleurs chatoyantes. On suit avec tendresse, mais aussi angoisse, la découverte de son écosystème par ce jeune crapaud un peu perdu. Mais aussi, ses épreuves contre la « léthalyte » (c’est-à-dire cette force morbide de l’industrialisation, l’artificialisation des sols et la destruction du vivant) représentée par une bande de goudron noir hurlante et aveuglante qui colonise la nature en fendant montagne et forêt, et tue les êtres qui osent s’y aventurer. Saumon sage bien que crédule, lézards en goguette, bouquetin fragile, divers rapaces plus ou moins bienveillants mais aussi des arbres vénérables conduiront Alyte d’embuches en expériences violentes qui le construiront. Tout cela donnera sens à son existence et nourrira son désir de lutter. Car c’est aussi en somme de sa politisation progressive dont il est question ici : faire de la forêt une ZAD. Dans Alyte, le fait de percevoir les choses par le seul regard animal (l’espèce humaine est sciemment évacuée du récit bien qu’on sache évidemment qui est responsable des attaques contre la biodiversité) nous fait sentir à quel point les animaux sont des vivants dotés du droit éminent à vivre en paix dans leur milieu naturel. C’est littéralement la nature qui se défend. Et qui nous incite à combattre toutes les léthalytes.
Aurélien BerthierAlyte
Jérémie Moraux
Editions 2024, 2024