L’expression la plus juste que j’ai entendue pour parler de ce livre est qu’il se lit d’un seul souffle. D’un seul souffle à plusieurs titres. D’abord, car ce livre prend aux tripes et nous emmène dans le passé à Wurtzburg, dans l’Allemagne du 16 – 17e siècles, qui connut un nombre impressionnant de procès pour sorcellerie… L’histoire est donc celle d’Anna Thalberg, accusée de sorcellerie par sa voisine, dont on suivra tout au long des pages le chemin vers le bucher, la résistance à la torture et la défense qu’elle sent vaine. Et en parallèle, on suivra le chemin de son mari, et du curé du village qui tentent tout pour la sauver. D’un seul souffle ensuite, car l’écriture elle-même nous tient dans un état de tension, de suspension, ne faisant appel que rarement à une ponctuation, si ce n’est le point final qui clôt chaque chapitre. S’il faut s’attendre à trouver cela un peu ardu dans les premières pages, pas de doute, rapidement vous sentirez le besoin de continuer, pris dans le souffle de l’écriture d’Eduardo Sangarcia. Et, finalement, ce souffle aussi quand est mis en scène un dialogue entre les propos dits par deux protagonistes et leurs pensées intérieures. Entre parenthèses, félicitations à la traductrice, Marianne Million, de ce souffle, qui nous le transmet tout aussi bien que son auteur. Et si vous craignez la déprime que pourrait susciter la lecture d’un tel livre, je vous dirais que le sursaut final, l’énième démonstration de l’intelligence d’Anna Thalberg, suffit à clore ce livre sur une note positive. Si ce livre est nécessaire à notre époque, c’est bien dans cette figure de résistance et d’intelligence qu’est Anna Thalberg.
Anne-Lise CydzikAnna Thalberg
Eduardo Sangarcia
La Peuplade, 2023