Ni sainte, ni mère, ni putain. Ni épouse, ni « sœur de », ni « fille de ». Ni guerrière, ni espionne, ni traitresse. Ni folle, ni hystérique, ni pécheresse, coupable et criminelle. Ni unique, ni exceptionnelle. Toutes ces étiquettes que, tout à tour, l’Histoire a collées au front des femmes, pour mieux les faire disparaitre, ou les discréditer, sont obsolètes. Les femmes s’en sont émancipées au cours des siècles, en conquérant des droits, mais surtout en ayant accès à la parole et en écrivant leur histoire. Ou plutôt leurs histoires. Les femmes ont su imposer leur rapport au monde. Leur sensibilité. Leur préoccupation pour les plus vulnérables de la chaine du vivant. Les schèmes de domination qu’elles veulent désormais abattre sont loin de se limiter au patriarcat, ou à l’emprise religieuse. Ils touchent la protection de la nature, le souci de la démocratie et l’État de droit, la santé et la préservation de ces biens communs si difficiles à cerner lorsqu’ils ne sont pas menacés, comme le silence, le soin aux morts, le temps, l’horizon etc. La version nouvelle de l’universalisme humaniste qu’elles proposent ne fait pas sens que pour les femmes, elle fait sens pour les vulnérables, ceux d’hier et ceux de demain : elle fait sens pour tous. Elle est à la fois un cap et un aboutissement. C’est cette parole-là qui ne craint rien, cette force irréductible que les femmes ont apportée à la laïcité. Celle de voir les dangers qu’on ne mesure pas encore et de repérer les issues pour y échapper.
Sabine BeaucampCe que la laïcité doit aux femmes - Les voix de l’émancipation
Véronique De Keyser
CAL, 2022