Les éditions Écosociété sont connues pour leur publication de livres « sérieux », d’essais de sciences humaines, sociales économiques et politique. Or, cette bande dessinée inaugure l’incursion de la maison d’édition canadienne dans le genre. Et pour un coup d’essai, c’est un coup de maître ! François Samson-Dunlop utilise la BD pour y développer une analyse critique. Dans Comment les paradis fiscaux ont ruiné mon petit-déjeuner, il y met en scène son alter ego qui, outré, proclame qu’il n’utilisera plus les produits et les services d’entreprises qui usent de paradis fiscaux. Voilà qui marque le début d’une croisade désopilante allant d’échec en échec car cette posture est plus facile à dire qu’à faire. Au fil des dizaines de pages suivantes, nous allons être confrontés aux stratagèmes utilisés par Ikea, Nike, Uber et quantité d’autres pour éviter de payer des impôts.
L’autodérision et la démonstration par l’absurde dans une approche parfois proche du Big Lebowski ou des Monty Python permettent de brosser l’emprise tentaculaire des sociétés adeptes des paradis fiscaux et l’impossibilité de s’y opposer individuellement. Le ton drôle de cette BD intelligente et bien construite aide à comprendre un sujet au premier abord rébarbatif. Et comme le souligne Alain Deneault, dans la postface, elle expose brillamment cette « supercherie mégalomaniaque d’une classe de détenteurs de capitaux qui osent s’ériger en créateurs de richesse alors qu’ils l’ont en réalité ponctionnée au fil du temps ». Un objet à mettre dans toutes les mains afin de préparer la riposte collective.
Olivier Starquit
Comment les paradis fiscaux ont ruiné mon petit-déjeuner
François Samson-Dunlop
Écosociété, 2019