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Gentrification : le mot apparaît dans le monde de la recherche universitaire au début des années 1960, à Londres, pour désigner un processus de réhabilitation de quartiers anciens caractérisé par une substitution graduelle des populations ouvrières en place par des ménages plus nantis. Le terme, basé sur la racine gentry, est particulièrement bien choisi. Il fait référence à une classe sociale pratiquement disparue, la landed gentry, qui au sortir du Moyen-Âge fut l’auteur de la Grande Dépossession, par laquelle la propriété terrienne passa en propriété privée lucrative : les terres communes purent être clôturées, et louées à des exploitants agricoles contre le versement d’une rente, fixée par des critères de marché.
Ce livre fait voler en éclats les gentilles histoires de relooking d’espaces démodés. Il fait voir la violence structurelle cachée derrière les vocables lisses de mixité sociale, de ville durable, de ville créative, de smart city. Il rappelle, ce que le langage des promoteurs, managers et pouvoirs publics vise à obscurcir quand ils parlent de ville-pour-tous, d’intérêt général éthéré, que la ville est une question politique. Il rappelle les questions essentielles, toujours gommées : produire les espaces urbains pour qui ? À quelles fins ? Qui en décide ? Toutes questions politiques.
Il rappelle que la ville n’est pas un effet de nature, mais une construction humaine, donc sociale, donc politique, et que les discours sur la ville sont des discours éminemment politiques, ce que le langage lisse des promoteurs et managers tait.
Il n’y a pas de gentrification heureuse. En régime capitaliste, il n’est pas de ville où les rapports de domination n’auraient plus cours. La gentrification s’inscrit par définition dans un rapport de force institué par des groupes dominants et qui commande de déposséder des groupes dominés de l’usage des espaces urbains.
Patrick WoutersContre la gentrification.
Convoitises et résistances dans les quartiers populaires
Mathieu Van Criekingen
La Dispute, 2021