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Nastassja Martin est une anthropologue diplômée de l’EHESS, spécialiste des populations arctiques. Elle entreprend, en 2014, une étude de terrain dans la région du Kamtchatka, en Sibérie orientale, chez les Evènes, peuple nomade à l’origine. Le récit de l’auteure, écrit à la première personne, se focalise sur un événement majeur, celui de sa rencontre avec un ours qui la mord au visage et la défigure partiellement. Suite à cet épisode, et selon la perception animiste des Evènes, elle est considérée comme moitié femme, moitié ourse. On la surnomme « Miedka », c’est-à-dire « celle qui vit entre les mondes » : humain et non humain mais aussi mythique et réel, traditionnel et moderne. C’est depuis ce point de vue qu’elle nous partage l’effort opéré pour traduire son expérience avec l’ours, en y cherchant le sens d’une rencontre et d’une communication avec l’animal. Au travers de ses allers-retours, à la fois physiques et intellectuels, entre la France et le Kamtschatka, son questionnement se poursuit. Elle cherche le point d’équilibre entre des mondes divergents dans un geste qu’elle qualifie de politique. Elle entend ainsi ouvrir la possibilité d’un dialogue, refusant toute domination d’un savoir sur un autre. L’expérience anthropologique extrême qu’elle traverse démontre la difficulté et la nécessité de « prendre le risque de s’altérer » pour comprendre l’autre et se relier à lui. On perçoit également à travers ce récit l’aliénation dont sont victimes les sociétés occidentales en conférant à l’humain une primauté absolue au sein du vivant, là où d’autres cultures appréhendent leur écosystème de manière plus inclusive en y intégrant notamment, à titre égal, humains et non humains.
Emmanuelle GarrotCroire aux fauves
Nastassja Martin
Verticales, 2019