Le sociologue Federico Tarragoni essaie de sauver le mot « émancipation » des griffes du pouvoir. En effet, l’émancipation est devenue ces dernières années l’un des maître-mots des programmes de réformes néolibérales, que l’on trouve notamment derrière l’éloge des émancipé·es de la start-up nation. Par le biais de l’émancipation, la « gouvernementalité néolibérale fondée sur l’imposition douce par l’État via un système d’incitations et de désincitations, d’un modèle de conduite pour que chacun devienne l’entrepreneur de sa vie ». À rebours de ces détournements, Federico Tarragoni, proche des théories de Jacques Rancière, rappelle que « l’émancipation agit lorsque des individus se découvrent des capacités différentes que celles qui leur échoient en partage : lorsque la capacité surgit à la place d’une incapacité intériorisée et transformée en fatalité ». Contrairement aux aspirations de celles et ceux qui veulent gouverner sans le peuple, la notion d’émancipation se retrouve pleinement dans le présent des luttes contre la domination qui nous entourent et nous traversent. In fine, l’auteur souligne également qu’ « émanciper la nature est la condition de toute émancipation à l’avenir ». Un petit ouvrage qui peut servir de boussole propice à réhabiliter ce bel étymon.
Olivier StarquitÉmancipation
Collection "Le mot est faible"
Federico Tarragoni
Anamosa, 2021