
Qu’est-ce que l’investigation philosophique féministe pourrait bien apporter de plus à ce champ déjà très large de la philosophie politique ou morale ? Qu’est-ce que la philosophie féministe aurait de plus, de mieux ou de différent ? Un des éléments essentiels, pointé par Diane Lamoureux dans sa préface à l’ouvrage, c’est qu’elle propose une réflexion théorique collective, ce qui récuse le mythe du « grand homme ». La philosophie s’est construite sur la base d’un Sujet universel, excluant ainsi de facto les femmes et les personnes et les peuples minorisées. Pour leur part, les deux autrices cherchent à penser le monde à partir des sujet·tes incarné·es, vivant·es et vulnérables. Ainsi, elles décloisonnent les champs de la recherche pour utiliser une méthodologie interdisciplinaire au service de la réflexion philosophique dont l’objet principal est l’oppression sexiste pour « produire des énoncés descriptifs et normatifs en vue d’identifier une oppression et d’y mettre fin ». Pour l’analyser, elles s’intéressent en premier lieu aux expériences vécues et aux existences singulières et non aux institutions politiques, économiques et sociales qui n’apparaissent que dans un second temps. Ainsi, elles prônent la dimension transformatrice de leur pratique qui met à mal ce qui a été historiquement défini comme proprement philosophique. Depuis les marges, elles explorent les manœuvres oppressives et proposent des pistes de réflexion pour que les expériences vécues ne soient plus constituées par ces oppressions. En donnant la voie et en dévoilant l’existence de celles qui ont été oubliées par la tradition philosophique occidentale, elles les rendent existantes.
July RobertExistantes
Pour une philosophie féministe incarnée
Cécile Gagnon & Marie-Anne Casselot
Remue-ménage, 2024