
Cet essai du politologue Édouard Morena met en lumière les actions que les ultra-riches mènent pour imposer le verdissement du capitalisme comme unique solution aux problèmes posés par le réchauffement climatique. Cette classe conçoit globalement, selon l’auteur, ce verdissement et sa soi-disant transition énergétique comme ce qui lui permettra de maintenir ses privilèges de classe tout en se créant de nouvelles opportunités d’enrichissement. La démonstration est implacable et déconstruit facilement la croyance selon laquelle les ultrariches seraient désengagé·es au niveau climatique. Les multiples exemples qui parcourent le texte révèlent comment de nombreux ultrariches investissent dans des cabinets de consultance, des ONG, des fonds philanthropiques, etc., afin de rallier à leur cause les investisseurs de la tech, les lieux de pouvoir internationaux, des mouvements pour le climat (la Bezos Earth Fund a investi 150 millions de dollars dans des organisations américaines pour la justice climatique) et de façonner l’opinion publique. La propagande qui découle de cet investissement et de cette récupération martèle que seuls le greenwashing et le technosolutionnisme constituent une voie réaliste et assez rapide pour répondre à une urgence que les simples citoyen·nes seraient incapables de penser et à laquelle iels ne sauraient répondre promptement. Dans le même temps, l’auteur expose à quel point ces politiques climatiques sont une impasse qui, « en plus d’être inefficaces […] font injustement peser le risque et le coût financier des politiques de transition sur la collectivité ». Si la démarche de l’auteur est salutaire pour comprendre le fonctionnement systémique du capitalisme dans sa phase actuelle, elle n’a pas comme objectif d’explorer comment se débarrasser de cette propagande funeste pour construire un horizon vivable et désirable sur le long terme. À ce niveau, signalons un autre livre, Le mur énergétique du capital de Sandrine Aumercier (Crise et critique, 2021), qui utilise les outils de la critique de la valeur pour penser jusqu’au bout les questions de la limite des ressources énergétiques et matérielles. L’autrice questionne sur cette base à quelles conditions la production de technologies restera possible et projette le·la lecteur·ice dans un monde postcapitaliste, où l’argent ne serait plus utilisé. Un horizon désirable, parmi d’autres…
Grégory JanssensFin du monde et petits fours
Édouard Morena
La Découverte, 2023