Hydrogène mania

Tech­no­so­lu­tion­nisme et crois­sance verte sont au cœur de la vaste enquête jour­na­lis­tique qu’a menée Aline Nip­pert sur l’hydrogène et son poten­tiel d’énergie propre. Depuis quelques années, l’hydrogène est per­çu comme une molé­cule pro­vi­den­tielle qui pour­rait régler les chan­ge­ments cli­ma­tiques sans pour autant modi­fier nos modes de vie pol­luants. Deve­nu ce que l’autrice appelle la « molé­cule totem », nous com­pre­nons grâce à son tra­vail d’investigation que l’hydrogène, qui serait doté d’une fonc­tion sym­bo­lique simi­laire à l’animal totem dans un clan, n’est qu’un énième élé­ment des dis­cours tech­no­so­lu­tion­nistes domi­nants. Hydro­gène de l’abondance, dis­cours « hydrop­ti­mistes » qui laissent entendre la pos­si­bi­li­té d’une éner­gie illi­mi­tée, typo­lo­gie aux cou­leurs de l’arc-en-ciel en fonc­tion de la manière dont l’hydrogène a été pro­duit, le sec­teur béné­fi­cie d’une visi­bi­li­té tant média­tique que poli­tique par­ti­cu­liè­re­ment malai­sante au regard de l’analyse d’Aline Nip­pert. Du coup, mar­ke­ting pour faire croire à une alter­na­tive propre aux nar­ra­tifs qui ver­dissent son image, l’autrice dénoue une à une les ficelles uti­li­sées par les lob­byistes et les indus­triels pour décons­truire la dés­in­for­ma­tion cli­ma­tique et dénon­cer la pers­pec­tive tech­ni­co-éco­no­mique en vue. Alors que de nom­breux pro­cé­dés de pro­duc­tion de l’hydrogène pro­duisent encore une quan­ti­té énorme de CO2, qu’il dérive tou­jours de sources fos­siles, qu’une grande quan­ti­té d’électricité reste néces­saire à sa pro­duc­tion ou que son trans­port n’est que moyen­ne­ment sécu­ri­sé et que le colo­nia­lisme vert bat son plein, il est aujourd’hui de plus en plus sou­te­nu poli­ti­que­ment et finan­ciè­re­ment. Pour­tant, il est démon­tré que les éner­gies pri­maires ont ten­dance à s’additionner plu­tôt qu’à se sub­sti­tuer les unes aux autres : non, la révo­lu­tion hydro­gène ne fera pas suite à l’ère du pétrole qui elle-même aurait refer­mé l’âge du char­bon. Les scien­ti­fiques sont par ailleurs de plus en plus nombreux·ses à affir­mer que pour lut­ter contre le chan­ge­ment cli­ma­tique, les solu­tions sont moins tech­niques que poli­tiques. Aline Nip­pert abonde en ce sens et son enquête le révèle au fil des pages de son Hydro­gène Mania.