
La vengeance est un plat qui se mange froid. Elle peut aussi se déguster sous la forme d’une comédie sociale et politique, délicieuse comme un bonbon à la violette qui vous parfume la bouche et laisse remonter à votre mémoire tous ces instants où, face à la connerie ambiante et à la méchanceté gratuite, vous avez rangé votre révolte dans votre slip. Résigné·e, humilié·e, forcé·e de déclarer forfait face aux convenances et au déterminisme social qui vous infligent finalement une double peine : avaler les couleuvres et en vanter la saveur. Dans l’attente probable de la laisser enfin jaillir, cette révolte, et de régler vos comptes avec celles et ceux qui vous ont infligé les pires humiliations ordinaires. C’est précisément ce qu’entreprennent Émilie (Yolande Moreau), une septuagénaire fugitive d’un EHPAD récemment désenfantée, et Lynda (Laure Calamy), femme de ménage dans la maison de retraite, dans cette première réalisation solo de Gustave Kervern. Un petit bijou qui se situe quelque part entre Thelma et Louise et Dikkenek. Nous voilà témoins d’une épopée vengeresse, une croisade flamboyante, un road movie dans le nord de la France, durant laquelle deux femmes qui n’ont plus rien à perdre règlent leur compte avec celles et ceux qui ont abimé leurs existences. Habitées par un esprit de rébellion face aux dominations, mais aussi par la tendresse et la poésie, les deux protagonistes semblent tracer pour nous la route vers un monde plus juste. Irrésistiblement, nous montons à bord de leur Citroën de location (qui finira bien évidemment à la casse) pour les accompagner dans l’aventure palpitante et hilarante de leurs exquises vengeances mues par leur soif inextinguible de « se réapproprier leur dignité piétinée ».
Maco MéoJe ne me laisserai plus faire
Un film de Gustave Kervern
Les Films du Worso / Arte, 2024