La collection Sociorama poursuit sa production d’enquêtes sociologiques mises en BD. « La banlieue du 20 heures », de Helkarava (basée sur la recherche éponyme de Jérôme Berthaut), c’est tout le processus de fabrication de l’information et la construction du récit sur les quartiers populaires des banlieues, ces prétendues « no go zone » et leurs sauvageons d’habitants. Ce récit d’un jeune journaliste, débutant en CDD au 20 heures d’une grande chaine française, démonte toutes les ficelles du bidonnage plus ou moins volontaire et tous les effets de cadrage et de montage. Mais aussi toutes les contraintes de temps et autres logiques symboliques qui obligent le JT au « vite fait », au spectaculaire et aux stéréotypes, aux micro-trottoirs pour faire dire au reportage ce qu’on veut, à la course aux politiciens, et surtout à l’évacuation de tout ce qui pourrait bousculer ce consensus dans l’usinage de l’info. Autre sortie de Sociorama : « Encaisser » d’Anne Simon et Marlène Benquet ainsi que « Les nouvelles de la jungle (de Calais) » de Lisa Mandel et Yasmine Bouagga. La première décrit avec beaucoup d’acuité le quotidien de caissières d’un hypermarché, le mécanisme actionnarial qui entraine les souffrances au travail, les rivalités entre syndicats, et le mouvement social émancipateur mis en place. La seconde met en scène la sociologue et la dessinatrice sur le terrain. On découvrira les jeux entre responsables politiques, communautaires, associatifs ou caritatifs à l’œuvre dans ce camp de migrants démantelé depuis. Cette BD documentaire fait bien sentir toute la violence de la vie dans ce bidonville. Violence de l’attente et des tentatives pour forcer le passage. Violence des rapports entre différentes communautés bloquées à Calais et plongées dans la misère. Violence du racisme et de l’inhospitalité. Juste et passionnant.
Aurélien BerthierLa banlieue du 20 heures
Helkarava
Coll. Sociorama / Casterman, 2016