La déesse et le pingouin

Florence Richter

Flo­rence Rich­ter ima­gine un envoû­tant dia­logue entre Rose Apa­ri et Carl Gus­tav Jung pen­dant l’été 1955 sur les bords du lac de Zurich. Un superbe conte éru­dit aux mille pers­pec­tives, phi­lo­so­phiques, scien­ti­fiques, éco­no­miques, reli­gieuses ou mytho­lo­giques. Cette conver­sa­tion entre le psy­cha­na­lyste et Rose, cri­mi­nelle gour­mande de citron, jour­na­liste pro­phé­tique et capable de se retrou­ver face à face avec son âme, est inra­con­table. Cha­cun y pui­se­ra, au fil de ses lec­tures, car il en faut plu­sieurs tant le récit est dense, les inter­ro­ga­tions et les réponses qui lui appar­tien­dront. De Gil­ga­mesh à Frans de Waal, de la phy­sique quan­tique à la décrois­sance, de la sexua­li­té fémi­nine au rôle essen­tiel du jeu, ce récit est une sub­tile suite de ques­tions ver­ti­gi­neuses. On se prend à rêver qu’un jour­nal, « L’Aube », puisse exis­ter et quo­ti­dien­ne­ment nous inter­pel­ler sur des enjeux aus­si nour­ri­ciers pour élar­gir notre pen­sée et les signi­fi­ca­tions de l’existence. Sou­vent, j’ai inter­rom­pu ma lec­ture sur une phrase qui m’a plon­gé dans le songe : dire la véri­té cos­mique, tra­vailler moins pour gagner moins, s’animaliser pour ne pas se bes­tia­li­ser, les mau­vais exemples néfastes pour l’éducation, notre part de Bono­bo et notre part de Chim­pan­zé, le corps ne meurt jamais, l’essentielle sim­pli­ci­té, la mas­cu­li­ni­té des mono­théismes,… La lim­pi­di­té de quelques mots fait jaillir l’étonnement. Elle nous entraîne sur les rives d’une réflexion inat­ten­due. Ce petit livre, magni­fi­que­ment pré­fa­cé par Fran­çois Ost, m’a don­né encore plus le désir de pour­suivre le long che­mi­ne­ment des récits du monde, d’y décou­vrir quelques clés nar­ra­tives, d’approfondir les nar­ra­tions du réel et du sym­bo­lique et d’amplifier mes émer­veille­ments comme mes indignations.

Jean Cornil

La déesse et le pingouin
Florence Richter
Avant-propos, 2014

 

 

Autres Popcorns "Roman & Poésie"