La dent de Lumumba

Samy Manga

En par­lant au nom du com­bat­tant du Congo libre, du pay­san du Congo, de l’historien de l’âge ou encore de l’ancêtre du Congo, le poète, musi­cien et mili­tant éco­lo­giste came­rou­nais Samy Man­ga livre un pam­phlet d’une vio­lence à la hau­teur, si tant est que c’était pos­sible, de celle subie par les peuples colo­ni­sés. Moi, pré­sident, homme ou femme du Congo, il en appelle au régi­cide de celui qu’il nomme Petit Phi­lippe de Pao­la Ruf­fo di Cala­bria. Pour­quoi donc s’en prendre à l’actuel roi belge ? C’est dans la puis­sante pré­face des socio­logues Véro­nique Clette-Gaku­ba et David Jamar que l’on com­prend com­bien les regrets et autres céré­mo­nies incar­nées par le roi et mises en place ces der­nières années consti­tuent de nou­veaux affronts à l’égard du peuple congo­lais. « C’est cette forme de vie à qui Samy Man­ga refuse de pas­ser à autre chose tant qu’il n’a pas fait les comptes de ce qui donne au roi Phi­lippe accès à l’existence. Sans ces noms, sans ces liens, Phi­lippe n’existerait pas : c’est de cela qu’il s’agit de répondre ». Que les regrets expri­més soient sin­cères, c’est à n’en pas dou­ter, mais pour le poète, cet élan de répa­ra­tion au niveau du colo­nia­lisme euro­péen est vain et cela trans­pire sa poé­sie. Selon lui, pas de retour pos­sible à une situa­tion ini­tiale pour les ter­ri­toires, les humains et les êtres non-humains qui ont été massacré·es. C’est en cela que le régi­cide est néces­saire. Tant que le corps du roi n’aura pas arpen­té les terres et sen­ti phy­si­que­ment cha­cune des des­truc­tions opé­rées par la machine colo­niale, peu importe les dis­cours, les com­mis­sions et autres tri­bu­naux. La poé­sie de Samy Man­ga est une claque sal­va­trice pour tout qui sou­haite appré­hen­der ce que peuvent res­sen­tir dans leur chair cel­leux qui exigent une véri­table répa­ra­tion pour les vio­lences coloniales.

July Robert

La dent de Lumumba
Samy Manga
Météores, 2024

 

 

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