La vieille fille est une femme qui porte de grosses lunettes, un jupon et une coiffure rigide. Un nœud dans les cheveux… une permanente. Mais surtout, elle dérange en cataloguant toutes les grandes peurs d’aujourd’hui pour devenir l’objet archétypal de la misogynie. Pas pute, pas chaste, juste imbaisable. Dans son ouvrage La fille de cinquante ans, Malin Lindroth s’attèle à récupérer le terme de « vieille fille » pour le réhabiliter. Elle nous apprend que ce concept, aujourd’hui péjoratif, ne l’a pas toujours historiquement été. L’autrice nous raconte qu’il fut un temps où les femmes célibataires d’un certain âge n’étaient pas considérées comme des femmes étranges. Aujourd’hui, leur situation est perçue comme un échec personnel plutôt que comme un choix de vie différent de celle imposée par notre société patriarcale où l’amour à deux constitue le sommet de la hiérarchie relationnelle. Pourtant, il existe de multiples façons d’aimer et de nombreuses relations d’amour que Lindroth nous invite à chérir : l’amour pour la famille, pour la nature, les végétaux et les animaux, l’amour pour la tribu. Qualifiées « d’handicapées de l’amour », ces vieilles filles sont stigmatisées et c’est pour renverser le paradigme que l’autrice affirme que ce qui est considéré comme une grande perte peut également être un grand bénéfice. La vie en couple est loin d’être un long fleuve tranquille, tant s’en faut, et celle de la « vieille fille » ne l’est évidemment pas non plus. Mais de là à faire de cet état de fait une invalidité, il y a un pas que Malin Lindroth refuse de franchir pour nous inviter à sortir de cette dichotomie. Déconstruisant la quête obsessionnelle de la vie en couple (en témoigne le succès de Tinder et autres applications de rencontres), son récit nous appelle à laisser place à d’autres types d’expérience pour s’offrir, personnellement et collectivement, une conception plus vaste de l’amour que celle de notre société hétéropatriarcale nous impose.
July RobertLa fille de cinquante ans
Malin Lindroth
Globe, 2021