La Guerre des mots

Georges Lakoff est pro­fes­seur de lin­guis­tique cog­ni­tive et le conseiller en com­mu­ni­ca­tion de nom­breuses per­son­na­li­tés démo­crates états-uniennes. Depuis les années 1980, il ana­lyse les dis­cours poli­tiques et tra­vaille à la com­pré­hen­sion des méca­nismes céré­braux qui per­mettent de décryp­ter com­ment nos cer­veaux éla­borent leur signi­fi­ca­tion. Ce n’est qu’en 2015 que ses tra­vaux seront tra­duits en fran­çais, dans un seul ouvrage à ce jour, mais non des moindres, La Guerre des mots. Rapi­de­ment épui­sé, celui-ci vient d’être réim­pri­mé face à l’engouement que sus­cite (enfin, ose­rions-nous dire !) ses théo­ries au regard de la mon­tée en puis­sance des dis­cours réac­tion­naires et de la guerre cultu­relle qui les accom­pagne. Comme une piste redé­cou­verte pour don­ner des clés aux pro­gres­sistes dont on ne peut qu’acter les défaites mul­tiples ces der­nières années. S’il nous explique com­ment nos cer­veaux fonc­tionnent en poli­tique, son approche cog­ni­tive du lan­gage nous per­met sur­tout de sai­sir les méca­nismes fon­da­men­taux de la com­pré­hen­sion du monde. Ain­si, nous appre­nons que, pour com­prendre un concept, notre cer­veau uti­lise une image issue d’un autre domaine qui nous est fami­lier. C’est ce qu’il appelle un cadre (ou frame en anglais), c’est-à-dire la manière d’organiser la per­cep­tion d’un phé­no­mène à tra­vers un cadre cog­ni­tif et moral par­ti­cu­lier. Selon lui, ce qui rend dif­fi­cile le débat poli­tique, c’est que les gens ont des cadres dif­fé­rents sur un même sujet. Les pro­gres­sistes et les réac­tion­naires ne com­prennent donc pas les dis­cours de la même manière, puisqu’iels n’activent pas le même cadre moral pour les appré­hen­der. Loin d’être une simple pré­sen­ta­tion théo­rique dont nous man­quons de place ici pour l’analyser, La Guerre des mots est sur­tout un manuel afin de nous outiller pour ten­ter de tou­cher les per­sonnes dont le cadre moral ne cor­res­pond pas au nôtre. On y retrouve de nom­breuses pistes, tableaux expli­ca­tifs et autres conseils afin d’élaborer une parole qui puisse être accueillie par cel­leux qui sont peut-être éloigné·es de nous poli­ti­que­ment, mais qui pour­raient aisé­ment ral­lier nos idées de jus­tice sociale, d’égalité et d’inclusivité pour peu que nous soyons en mesure d’ac­ti­ver chez elleux le cadre moral des valeurs progressistes.