Si l’on connait Juliette Rousseau pour son travail de chercheuse féministe, nous la retrouvons, avec ce livre, autrice d’un magnifique récit familial, hommage aux femmes de sa famille. En exergue, sur la quatrième de couverture, vous lirez : « Nous sommes les héritières d’une détermination farouche, nous les descendantes des avortements ratés, des grossesses imposées. Celle-ci est indémêlable de nos douleurs et de nos rages, transmises d’une génération à l’autre comme on essore un torchon plein de sang, dans l’anonymat d’une cuisine plongée dans la nuit. » Pour ce qui est de l’histoire, c’est celles des femmes d’une famille, d’une sœur, grande scientifique, qui vit une vie banale dans la banlieue londonienne, portant le poids de l’histoire familiale dans son corps. La narratrice — Juliette Rousseau, elle, est retournée vivre dans la maison familiale, et nous raconte cette sororité distante, et toutes les autres femmes, sur fond d’une application familiale parfaite du patriarcat. J’aurais tendance à dire âme sensible, ne pas s’abstenir, car même si le récit peut à certain·es paraitre impudique, il montre bien, comment le patriarcat va jusqu’à transformer, violenter et même détruire nos corps – sa sœur anorexique-boulimique meurt d’un cancer beaucoup trop jeune. Il montre en filigrane toutes les histoires de femmes et comment ces femmes, dans leur histoire et leur parcours, participent à construire notre propre chemin. Si c’est donc un livre profondément intime, c’est aussi un livre universel et politique.
Anne-Lise CydzikLa vie têtue
Juliette Rousseau,
Cambourakis, 2022