Laïka

Ascanio Celestini et David Murgia

Ils nous avaient livré une cri­tique juste et sans détour des puis­sants de ce monde dans Dis­cours à la Nation, David Mur­gia et Asca­nio Celes­ti­ni signent une nou­velle créa­tion magis­trale dans Laï­ka, une fable sociale brute et tou­chante sur les gens d’en bas ceux qu’on ne voit et qu’on n’entend pas. D’un côté, une plume, Asca­nio Celes­ti­ni maitre dans l’art de (bien) racon­ter les his­toires. De l’autre, David Mur­gia, un acteur aux visages mul­tiples et aux envo­lées ver­bales impres­sion­nantes qui nous emportent d’un monde ou d’un per­son­nage à l’autre avec une sim­pli­ci­té décon­cer­tante. Au milieu, la ren­contre de deux artistes de talent dont la col­la­bo­ra­tion par­vient sans nul doute à faire émer­ger chez cha­cun le meilleur de l’autre. Bien nom­mé « l’évangile des invi­sibles » par Celes­ti­ni, Laï­ka est une véri­table fresque sociale qui dépeint la vie des exploi­tés de notre socié­té au capi­ta­lisme débri­dé. Un par­king de super­mar­ché, un immeuble et un café, où se croisent et se frôlent les dif­fé­rents per­son­nages de cette triste fable moderne des gens de peu. Un sans-abri, une pros­ti­tuée, une vielle dame saine d’esprit et une autre à l’esprit embrouillé, un alcoo­lique et des ouvriers sans papiers en grève qui cha­cun dans leur misère res­pec­tive décrivent leur réa­li­té. Pour autant, et même si le récit est vibrant et l’émotion forte, l’ironie et le cynisme du texte per­mettent le sou­rire voire le rire face à ces situa­tions tris­te­ment réelles. La poé­sie du récit, les nom­breuses digres­sions — aus­si lou­foques que méta­pho­riques — et l’accompagnement musi­cal dis­cret de l’accordéon de Mau­rice Blan­chy ponc­tuent admi­ra­ble­ment l’aventure. On est tou­ché, on en res­sort ému et on conseille à tout le monde de ten­ter l’aventure Laï­ka car, contrai­re­ment à la chienne de l’espace, on en res­sort plus vivant qu’au départ.

Sarah de Liamchine

Laïka (mon fils)
Une création d’Ascanio Celestini et David Murgia
Festival de Liège / Théâtre National/Bruxelles, 2017

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