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Le coût de la mort

Alban Beaudouin & Jean-Loup de Saint-Phalle

Alors qu’à tra­vers la sécu­ri­té sociale, nous mutua­li­sons les risques de mala­die, de chô­mage ou de vieillesse, le moment ultime de notre exis­tence reste le grand angle mort de notre soli­da­ri­té col­lec­tive. Pour­quoi ne pas envi­sa­ger la prise en charge col­lec­tive de la mort et de son cout ? C’est la ques­tion que posent Alban Beau­douin et Jean-Loup de Saint-Phalle dans Le coût de la mort. Ils montrent que le coût des funé­railles – d’une sépul­ture digne, du res­pect des der­nières volon­tés, du temps de deuil pour les proches – reste majo­ri­tai­re­ment sup­por­té par les familles, au pire moment de leur vul­né­ra­bi­li­té. Au-delà de la mar­chan­di­sa­tion du deuil, l’inégalité face à la mort est éga­le­ment au cœur de ce livre qui vous assène d’emblée : « Vous qui lisez ces lignes, vous allez mou­rir ». Il est temps de faire de la mort le der­nier grand com­bat pour la soli­da­ri­té. Au fil de la lec­ture, l’idée de fon­der une sécu­ri­té sociale de la mort, s’inspirant de la sécu­ri­té sociale de l’alimentation prô­née par Ber­nard Friot (il pré­face d’ailleurs le bou­quin), devient une évi­dence. Parce que la mort est un déno­mi­na­teur com­mun, qu’elle est le ren­dez-vous iné­luc­table et tabou d’une socié­té capi­ta­liste qui nous inflige l’oubli des rituels et qui mar­chan­dise nos exis­tences, de l’instant où nous venons au monde jusqu’à celui où nous le quit­tons. Parce que la fin de vie et le deuil, aujourd’hui, ne sont plus des évè­ne­ments sociaux, mais se résument à des tran­sac­tions com­mer­ciales. Parce que la vie est fer­tile en deuils et que la mort est aus­si un champ de bataille où s’affrontent les rap­ports de domi­na­tion. Parce qu’affronter cette épreuve ensemble per­met d’agir, tant face à la souf­france de la perte d’un être cher que contre les injonc­tions que nous inflige la mar­chan­di­sa­tion de la mort. Repo­li­ti­ser le sujet, et le réin­ves­tir col­lec­ti­ve­ment et démo­cra­ti­que­ment, comme le fait ce livre, sont indis­pen­sables pour la réap­pro­pria­tion citoyenne de ce der­nier bien com­mun : le droit de par­tir dans le res­pect et la digni­té pour toustes. Après tout, qui s’oc­cu­pe­ra de nous, si nous n’en fai­sons pas la charge de toustes ? Le coût de la mort per­met aus­si d’aborder en groupe ce thème sou­vent jugé tabou ou rele­vant du pri­vé. Par­ti­cu­liè­re­ment dans le cadre d’arpentages comme PAC l’a réa­li­sé à l’occasion des 20 ans du Col­lec­tif Mort.e.s de la Rue. Cette ques­tion se pose en effet avec une acui­té par­ti­cu­lière pour les militant·es et acteu­rices du « sans-chez-soirisme ».

Le coût de la mort
Alban Beaudouin et Jean-Loup de Saint-Phalle
Le Détour, 2025