C’est au départ d’un « fait divers » que Thomas Korovinis écrit son roman. Un fait divers qui est aussi un fait politique et qui est surtout un fait social. Dans les années 1960, un jeune homme issu des classes populaires de Thessalonique est arrêté et condamné à mort, accusé de meurtres en série qu’il n’a très probablement pas commis. Cette arrestation a lieu après l’assassinat d’un député de gauche par les réseaux fascistes qui se développent dans le pays, préparant le coup d’État de 1967 et la dictature des Colonels. À ce moment-là, l’arrestation du jeune Aristos fait diversion dans les médias. À partir de reportages d’époque et d’une pluralité de témoignages imaginés par l’auteur, le roman dresse le portrait de celui qui fera un coupable idéal. Ce roman, très riche en références et nourri de précisions culturelles et historiques apportées par la traductrice, nous plonge dans les couches les plus vulnérables de la Grèce de l’époque, exposant en filigranes les tensions sociales et morales qui la traversent. On y entend une mosaïque de voix qui nous permettent de multiplier les points de vue sur la trajectoire d’un jeune garçon, singulière mais emblématique des mécanismes de marginalisation. Indépendamment de la dimension historique et biographique du roman, le procédé narratif choisi souligne en quoi chaque vie particulière — à n’importe qu’elle époque — est avant tout un fait social, un nœud constitué de rencontres, de croyances, de morales en vigueur, de rapports de pouvoirs et de structures sociétales.
Valentine BonomoLe Cycle de la Mort
Thomas Korovinis
(Trad. Clara Nizzoli)
Belleville, 2022