
Ce livre est le récit hallucinant d’une enquête de plus de deux ans sur la filière de la tomate d’industrie, un fruit « artificiellement créé par des généticiens, dont les caractéristiques ont été pensées pour être parfaitement adaptées à sa transformation industrielle. » Rien à voir, donc, avec la tomate standardisée produite en Espagne… La tomate industrielle est utilisée exclusivement pour la fabrication du concentré, substance de base qu’on retrouve aujourd’hui dans une majeure partie des produits transformés contenant de la sauce tomate. Et c’est la Chine qui, depuis le début des années 2000, domine ce marché, produisant une pâte hautement concentrée (d’une teneur très faible en eau, ce qui diminue le coût du transport), véritable matière première exportée à travers le monde, vers des usines dites de « deuxième transformation » qui se contentent bien souvent de diluer ce triple concentré avec de l’eau (obtenant ainsi un double concentré ou… un faux coulis de tomate), y ajoutant au passage additifs et ingrédients divers à bas coûts. Le concentré chinois est, en grande partie, reconditionné en Italie, ce qui permet à certains industriels de ce pays de tricher sur la provenance exacte du produit. En effet, l’origine made in china du concentré ne faisant l’objet d’aucune législation, les producteurs européens rivalisent d’imagination pour faire croire à une origine plus « naturelle » de ce nouvel or rouge. C’est pourquoi, depuis des années, les Africains consomment aveuglément le concentré Gino, dont la jolie boîte indique clairement une identité italienne. Il n’en est rien… Le livre de Jean-Baptiste Malet est bel et bien une mine d’or si vous voulez, enfin, être informé sur les coulisses de cet agrobusiness débridé.
Denis DargentL’Empire de l’or rouge
Enquête mondiale sur la tomate d’industrie
Jean-Baptiste Malet
Fayard, 2017