Les algues vertes est un film qui nous emmène dans le Finistère, plus précisément les Côtes d’Armor. Là où l’agriculture intensive bat son plein et où les petits agriculteurs respectueux de l’environnement se sentent bien seuls. Là où des algues à l’odeur nauséabonde empoisonnent depuis près de quarante ans les plages et les estuaires de Bretagne. Là où en 2015, en quelques mois, les décès suspects d’hommes et animaux se succèdent. Un cheval, 36 sangliers, deux joggers et un ramasseur d’algues… Leur mort est probablement due à une intoxication au sulfure d’hydrogène, un gaz émis lors de la putréfaction des algues vertes. On soupçonne l’empreinte corrosive des « marées vertes » (dépôt d’algues laissé par la mer visibles à marée basse) provoquées par l’épandage de lisier des exploitations porcines, bovines et avicoles voisines d’être à l’origine de ce phénomène létal. Ce film réalisé par Pierre Jolivet est inspiré de la bande dessinée — enquête éponyme de Pierre Van Hove et Inès Léraud. Le film met donc en scène et en situation Inès Léraud, journaliste qui décide de s’installer avec sa compagne dans un petit village du Finistère pour investiguer au sujet des algues vertes et tourner une série de reportages intitulée « Les Chroniques bretonnes ». Mais elle se rendra très vite compte qu’elle n’est pas la bienvenue… Les habitant·es du petit village se ferment comme des huîtres et elle recueille les informations au compte-gouttes et souvent au forceps. Pensez-vous : mieux vaut se taire pour ne pas faire fuir les touristes ! Malgré ces interlocuteurs récalcitrants, les preuves de la culpabilité du modèle agricole productiviste s’accumulent à son micro. L’intimidation du syndicat des jeunes agriculteurs, le chantage à l’emploi, l’hypocrisie des élu·es, le refus de la part de plusieurs maires de donner le libre accès au réalisateur à des lieux de tournage cruciaux participent au mécanisme de la fabrication du silence. La règle générale étant de pratiquer l’Omerta, de consolider le mur du silence et de pratiquer ouvertement les intimidations et les menaces à son égard. Inès Léraud se verra finalement contrainte d’abandonner ses chroniques. Un procès aura cependant lieu suite à des témoignages accablants de la part de proches des victimes qu’elle a recueillis. Mais hélas, les plaignants se verront débouté malgré l’ampleur des preuves. Sept ans après ces faits, plusieurs plages des côtes d’Armor sont toujours souillées par les algues vertes, et l’industrie agroalimentaire toujours pas inquiétée.
Les Algues vertes
Pierre Jolivet
Haut et Court, 2023