
Pour la réalisation de son premier court- métrage, la metteuse en scène et fondatrice de la compagnie Laika, Judith Longuet-Marx, a emmené sa caméra sur un territoire où trop peu s’aventure : la fin de la vie. Ces heures creuses sont celles du temps qui s’égrène lentement dans une résidence pour personnes âgées du sud de la France. L’aspect cocasse de la scène d’entrée, façon théâtre de l’absurde à la Ionesco, ne nie pas le vécu souvent dramatique des résidentes, personnages centraux de ce film où le personnel soignant est invisibilisé. Serait-ce pour nous rappeler qu’il n’est qu’un pion dans cette commercialisation à outrance dans la prise en charge de nos ainé·es ? Scandales récents à l’appui. Ce court a tout d’un grand par la richesse des émotions ressenties et montrées : solitude, peur, tristesse, plaisir… Les résidentes offrent à la réalisatrice leurs moments d’exception. Leur humanité. Des histoires sans filtre montrées sans tabou. Des corps usés. Souvent meurtris, déformés. Parfois coquets. Des corps vieux, ceux-là mêmes habituellement cachés sur nos écrans, qui feraient fuir les rentrées publicitaires. Un âgisme médiatique encore plus important pour les corps féminins, ici sublimés par la fébrilité de l’instant saisi. Grâce à ses choix esthétiques, Judith Longuet-Marx élude la complainte en soulignant les détails burlesques de certains tableaux du quotidien. Rire pour ne pas pleurer. Déjà multi-primé, Les Heures creuses interpelle sur la prise en charge de nos ainé·es dans notre société où vieillir est aussi tabou que coûteux, alors qu’en Belgique, les 65 ans et plus représentent près de 20 % de la population. Le film nous rappelle en creux que terminer son existence dans une maison de repos n’est vraiment pas la panacée. D’autres solutions, comme le maintien à domicile, l’habitat groupé solidaire ou l’habitat intergénérationnel, gagneraient à être plus soutenues socialement. Un coup de zoom nécessaire pour repenser la fin de la vie.
Les heures creuses
Un documentaire de Judith Longuet-Marx
CVB, 2023