Les mains rouges

Jean-Christophe Vermot-Gauchy

Le roman Les Mains rouges est le pre­mier titre d’une nou­velle col­lec­tion inti­tu­lé « Karō­shi », terme qui désigne en japo­nais un épui­se­ment total par le tra­vail. Dans cet ouvrage, l’auteur, comé­dien, met­teur en scène Jean-Chris­tophe Ver­mot-Gau­chy que les condi­tions sociales ont contraint à aban­don­ner pro­vi­soi­re­ment son acti­vi­té relate, sous la forme d’un jour­nal, son acti­vi­té pro­fes­sion­nelle contrainte en tant qu’homme de ménage. Ce fai­sant, il nous donne à voir un aper­çu socio­lo­gique sai­sis­sant de « ce que les riches pensent des pauvres ». Loin de l’observation par­ti­ci­pante ou d’un repor­tage en immer­sion, l’ouvrage est plus un écrit de sur­vie, pour tenir. Le livre illustre en effet un rap­port de souf­france sociale dans des métiers du net­toyage qui ne tiennent pas le haut du pavé dans la lit­té­ra­ture comme la plu­part des métiers manuels et des pro­fes­sions déva­luées. Com­ment ne pas être épui­sé phy­si­que­ment et men­ta­le­ment quand on est char­gé d’accomplir les tâches les plus répu­gnantes tout en devant res­ter invi­sible ? Les déter­gents abi­ment la peau, ce qui éclaire le titre du livre : les mains deviennent rouges, bouf­fées par l’eczéma. Au-delà de l’évocation sub­tile, per­cu­tante et non dénuée d’humour d’une expé­rience indi­vi­duelle, ce récit décrit la ter­rible soli­tude de per­sonnes asser­vies au sein d’une socié­té ato­mi­sée d’où les col­lec­tifs ont dis­pa­ru. Au-delà du témoi­gnage poi­gnant, l’ouvrage réus­sit à faire éprou­ver le pas­sage du temps, la fatigue qui s’installe, l’usure de la répé­ti­tion, tout en ren­dant saillants les moments forts de son expé­rience, notam­ment les ren­contres avec ses nou­veaux clients, dignes de la meilleure comé­die sociale.

Olivier Starquit

Les mains rouges
Jean-Christophe Vermot-Gauchy
Questions théoriques, 2024

Autres Popcorns "Lecture"