Les relations communautaires en Belgique

Julien Perrez et Min Reuchamps (dir.)

Cette étude croise de manière ori­gi­nale lin­guis­tiques et sciences poli­tiques pour mieux iden­ti­fier, au tra­vers des mots et dis­cours en cir­cu­la­tion, les repré­sen­ta­tions qui s’entrechoquent depuis des décen­nies autour de ce qu’il est à pré­sent conve­nu d’appeler le « conflit com­mu­nau­taire » entre néer­lan­do­phones et fran­co­phones de Bel­gique. Croi­sant ana­lyses quan­ti­ta­tives et qua­li­ta­tives, elle se base sur le voca­bu­laire uti­li­sé dans les dif­fé­rentes réformes de l’Etat (textes de lois et dis­cours poli­tiques), la parole des citoyens ou encore les débats média­tiques emblé­ma­tiques. Ce sont les dis­cours sous-ten­dus qui sont révé­lés, notam­ment le pou­voir de la méta­phore : par exemple le fédé­ra­lisme comme machine (folle ou en panne), comme mariage (d’amour, de rai­son, for­cé, ou proche du divorce). L’usage de ces méta­phores per­met tous les filages : un divorce coûte cher, une machine peut se cas­ser ou être répa­rée… Les mondes qu’elles créent, la manière dont les pro­blèmes sont posés (et les solu­tions sug­gé­rées) par­ti­cipe d’une « guerre des mots », sou­vent éla­bo­rée dans les uni­vers poli­tiques. Des mots qui per­colent ensuite (ou non) au sein des citoyens « ordi­naires ». On peut mesu­rer com­ment la poli­tique façonne la langue qui influence la poli­tique en retour.
L’exemple du trai­te­ment du débat autour de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vil­vorde, ana­lyse menée par Dave Sinar­det, montre com­ment nos médias, qu’ils soient fran­co­phones ou néer­lan­do­phones, assurent une absence total d’un réel « débat fédé­ral sur des ques­tions d’ordre fédérale ».
Outre le fait que cette recherche embrasse à éga­li­té le dis­cours des deux com­mu­nau­tés sans par­ti pris, elle a un autre grand mérite puisqu’elle ne se can­tonne pas à la situa­tion bel­go-belge. Ain­si, la situa­tion de l’Ecosse indé­pen­dan­tiste face au Royaume-Uni, la « paix des langues », un sta­tu-quo ambi­gu, en Suisse qui voit coexis­ter deux com­mu­nau­tés s’entendant bien car ne se com­pre­nant pas, ou encore la situa­tion cana­dienne et sa mino­ri­té fran­co­phone où deux com­mu­nau­tés, indif­fé­rentes l’une à l’autre, coexistent en deux « soli­tudes » sont autant d’échos à notre situation.
De la hau­teur et les moyens d’expliquer ce qui se joue hors du champ habi­tuel et limi­ta­tif de la sphère médiatico-politique.

Aurélien Berthier

Les relations communautaires en Belgique
Approches politiques et linguistiques

Julien Perrez et Min Reuchamps (dir.)
Academia, L’Harmattan, 2012

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