L’imaginaire au pouvoir

Com­ment faire face à notre monde qui gronde ? Entre le dérè­gle­ment cli­ma­tique, les inva­sions russe en Ukraine et israé­lienne au Moyen-Orient et le trum­pisme au pou­voir, dif­fi­cile de se lais­ser aller à rêver. Et pour­tant, à lire l’ouvrage L’imaginaire au pou­voir de Vincent Ger­ber, on com­prend l’importance du rêve et de l’ouverture de nos ima­gi­naires et donc celle des récits de science-fic­tion dont on sai­sit, grâce à son ana­lyse, la por­tée poli­tique. S’il affirme, nom­breuses preuves à l’appui, que la science-fic­tion ne doit pas être per­çue comme le lieu de pro­po­si­tions cré­dibles de solu­tions poli­tiques, il démontre com­bien, dans sa cri­tique des sys­tèmes de pou­voir, ce style lit­té­raire dis­pose d’une cer­taine force trans­for­ma­trice. Après avoir posé les fon­de­ments de sa réflexion, l’auteur ana­lyse la place des uto­pies au sein de ces récits en affir­mant que, contrai­re­ment à ce que l’on croit sou­vent, elles ne doivent plus être per­çues comme une fin en soi. Alors que les dys­to­pies imprègnent notre quo­ti­dien, que leurs images nous para­lysent en rai­son de l’anxiété qu’elles génèrent, les uto­pies sont un outil à haut poten­tiel éman­ci­pa­teur grâce à leurs pro­po­si­tions de contre-scé­na­ri­sa­tion. L’auteur met néan­moins les lec­teu­rices en garde : aucune uto­pie n’est par­faite ni uni­ver­sa­liste. Si récit uto­pique il doit y avoir, il doit être un voyage, un hori­zon et non un objec­tif à atteindre. Et à nous de nous réap­pro­prier ces his­toires pour que nos ima­gi­naires servent d’ouvre-boîtes pour appré­hen­der nos mondes trop her­mé­ti­que­ment fer­més. La por­tée immer­sive de la science-fic­tion nous per­met de nous iden­ti­fier et de nous poser des ques­tions alors que les dis­cours poli­tiques nous paraissent éloi­gnés et dés­in­car­nés, hors du champ de nos vécus quo­ti­diens. Cette capa­ci­té à tou­cher émo­tion­nel­le­ment per­met aux récits science-fic­tion­nels d’ouvrir la voie pour contour­ner le filtre de la pen­sée domi­nante et ain­si nous don­ner des clés pour agir sur le pré­sent. Sal­va­teur, par les temps qui courent…

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