
« Êtes-vous un homme ou une femme ? » La voix de LOVED vous interpelle d’entrée de jeu. Et contredira votre réponse, quelle qu’elle soit. Avant de se présenter comme un jeu de plateforme épuré, une sorte Super Mario Bros en noir et blanc. Rapidement, au fur et à mesure de votre avancée dans les décors, la voix vous posera d’autres questions et vous intimera des ordres, souvent humiliants, parfois contre votre instinct de survie. Obéissez, acceptez l’humiliation, et le jeu se fera plus doux. Refusez ce jeu pervers et la difficulté augmentera. Voire, persistez dans votre rébellion, et il se décomposera comme s’il était rongé par un bug. Court, tranché, agressif, oppressant, LOVED est construit pour instiller le malaise auprès des joueurs. Il traite brillamment des relations toxiques et du harcèlement, des stratégies de domination au sein des rapports sentimentaux. D’autant plus brillamment qu’il déploie son propos à travers le gameplay, les actions du joueur, le langage propre du média, sans jamais l’expliciter autrement qu’à travers la manipulation qu’il fait subir. Manipulation qui renvoie donc aussi à la relation entretenue par les créateurs de jeu vidéo et les joueurs. Ces derniers étant les victimes plus ou moins consentantes des règles et des objectifs des univers vidéoludiques dont la bienveillance dépend du bon vouloir du créateur. Aux joueurs à en être conscients. À l’image du choix qui leur est proposé dans LOVED.
Julien Annart