Anna a 29 ans. Elle cherche du travail et sous-loue un appartement en colocation à Paris. Tous les dimanches, elle rend visite à sa grand-mère, en maison de repos à qui elle se confie, et qu’elle écoute. Un jour, elle croise une manif des Gilets jaunes et curieuse, elle intègre le cortège. Cette première expérience la fait réfléchir et en amène une autre. Au fil des rencontres, nous voyons une personne quitter sa routine et s’engager. Cette BD pose subtilement la question de savoir comment on en vient à passer le pas, et à sortir dans la rue pour exprimer sa révolte. Dans la droite ligne des romans de formation, l’autrice, Hélène Aldeguer, décrit le processus qui se met en place et la naissance d’une fraternité militante à travers ce « rituel collectif qui donne de l’énergie », comme elle le fait dire à une des manifestantes. La défense de ce « moment politique festif et social » se double de l’évocation d’un lien intergénérationnel, entre Anna et sa grand-mère, qui lui dévoile son passé de militante italienne dans les années post 68. Cette transmission de la mémoire militante, des combats du mouvement ouvrier est aussi une belle restitution de la raison d’être d’un tel engagement. Cette BD va à l’encontre des poncifs sur les manifestations en étudiant finement ce répertoire d’action, les raisons de manifester et le côté formateur que peut contenir ce geste démocratique élémentaire. Les couleurs chaudes et le trait doux adopté pour le dessin viennent totalement corroborer le propos. Avec « Manifestante » Hélène Aldeguer propose un récit reboostant pour qui aurait tendance à douter de la pertinence d’occuper l’espace public pour y dire les injustices et y crier la colère sociale.
Olivier StarquitManifestante
Hélène Aldeguer
Futuropolis, 2022