
A travers une série de dessins et peintures au geste expressif, l’artiste et réalisatrice iranienne Vida Dena dévoile, dans son exposition splendide et cataclysmique intitulée « Maternités », un sujet tabou et méconnu : la dépression pré-partum. Des femmes nues à la longue chevelure noire parfois géantes parfois minuscules hurlant la langue tirée et dévorant des bébés, des créatures monstrueux aux yeux exorbités à la bouche béante, des meutes de chiens-loups la gueule affamée entourant des cercle-ventres composent ce monde chaotique, dans des aplats de couleurs vives et tranchantes, où prédomine le noir et le rouge sanguinaire. C’est un combat entre la vie et la mort, une dualité entre la haine et l’amour à la fois pour la mère et l’enfant en devenir. « En découvrant le test positif de grossesse, j’ai ressenti la mort d’un proche », confie Vida Dena. Ce proche, c’est elle. Un deuil à l’enfant qu’elle a été et à la jeune femme qu’elle ne sera plus. Face à la grossesse, chaque femme réagit différemment. La sage-femme et psychologue Claudine Schalck précise à ce sujet qu’un attendu social pour la femme enceinte est le bonheur de la grossesse : « La société renvoie qu’il faut être épanouie lorsque l’on attend un enfant. Donc les femmes concernées minimisent souvent ce qu’elles ressentent car ça ne rentre pas dans les codes, elles se disent que c’est les hormones et que ça passera tout seul. » Dans le cas de l’artiste iranienne, la transformation de sa vie psychique est un cataclysme. La dépression, la perte de son identité, le sentiment de solitude et de ne pas être entendue, un bouleversement des habitudes alimentaires, l’envie de rien, l’arrivée de superstitions, de cauchemars remplis de morts et de monstres, ont accompagné sa grossesse. « Je n’étais pas très accueillante au bébé qui était dans mon ventre… » avoue la jeune femme et de rajouter « Je me sentais coupable, narcissique et cruelle ». Un sentiment qui disparaitra à la naissance de son bébé où elle ressentira de la joie et de l’amour pour cet enfant qui l’a rendu mère. Cette dépression prénatale, — qui concerne 10 % des femmes enceintes — n’a pas été détectée lors de sa grossesse. Ainsi sans aide ni compréhension de cette traversée à l’envers et de cette transformation psychique qu’elle subit seule, Vida Dena remplit jour et nuit ses carnets de grossesse des démons et autres créatures qui la hantent et se retrouvent sur ses toiles et bientôt dans un film intitulé « Mère coupable ».
Golringue HuchetMaternités
Vida Dena
Galerie Arielle d'Hauterives, mai 2025