
Alors qu’on pourrait s’attendre initialement à une autobiographie, Vandana Shiva, certainement une des militantes indiennes écoféministes les plus connues, offre dans cet ouvrage un suivi chronologique de ses plus grands combats. A la fois altermondialiste, écologiste et féministe, Vandana Shiva ne pratique pas la segmentation : tous les curseurs sont toujours poussés en même temps et avec la même intensité. L’Inde est évidemment au cœur de ce livre. D’une richesse environnementale incommensurable, ce pays se voit sans cesse assiégé et pillée par des puissances occidentales, qui ne voient bien souvent dans ces immenses étendues qu’une grande aire de jeux où il suffirait de se baisser afin d’amasser de la richesse, sans aucune contrepartie. Enfin si, la destruction quasi systématique d’écosystèmes pourtant entretenus et protégés depuis des centaines d’années. Une attitude colonialiste et paternaliste destructrice que Vandana Shiva n’a cessé de combattre, depuis sa lutte au sein du mouvement Chipko jusqu’au rejet des OGM imposés et des monocultures forcées, en s’érigeant, partout où elle le pouvait, en défenseuse d’une culture, d’une histoire et d’une société qui se passerait bien des conseils et des bonnes pratiques empoisonnées des pays « des Nords ». Tout au long des neuf chapitres qui composent cet ouvrage – dont le contenu est parfois, reconnaissons-le, un peu chargé – les combats menés par l’autrice s’avèrent demeurer des combats contre une agression masculiniste du monde. Que cette agression provienne de l’intérieur de l’Inde, où seules des femmes – se débarrassant d’injonctions à demeurer au foyer — ont efficacement endossé ce lourd rôle de protectrices d’un patrimoine agricole national, en immunisant autant que faire se peut les semences d’une multitude d’espèces vivantes, véritable trésor national indien. Ou que cette agression provienne de l’extérieur de l’Inde, cette fois-ci davantage désincarnée mais néanmoins portée par des multinationales qui n’ont pour ambition que de faire fructifier leurs capitaux en pillant les réserves du pays tout en tentant de privatiser des ressources dont il est pourtant impensable pour la population locale qu’elles ne puissent plus être profitables à l’ensemble de la communauté. Une invitation vivifiante à adopter urgemment d’autres paradigmes.
Pierre VangilbergenMémoires terrestres
Vandana Shiva
Rue de l’échiquier/Wildproject, 2023