Dix mots… Dix mots assénés régulièrement comme un horizon indépassable, comme une maxime universelle… « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde »… Dans leur court pamphlet coup de poing, Pierre Tevanian et Jean-Charles Stevens décortique cette phrase, mot à mot, pour la déconstruire, montrer son inanité et surtout, inviter les lecteur·trices citoyen·nes à aller au-delà des idées assénées par une frange politique de plus en plus puissante. Vous savez, celle qui prône le repli sur soi, la fermeture des frontières, la stigmatisation de l’autre étranger·e ou qui finance l’absconse Agence Frontex. Ça vous dit quelque chose ? Car cette sentence, condamnation à mort pour les migrant·es est utilisée comme un argument d’autorité. Terme après terme, les deux auteurs analysent, décortiquent et éclairent notre perception de ce qu’elle recèle de profondément malaisant. Qui est ce « On » faussement inclusif ? Et pourquoi ce mot « accueillir » qui renvoie à la sphère domestique et à l’implication personnelle alors qu’il est question de politiques étatiques ? Tout dans cette phrase est, pour Tevanian et Stevens, extrêmement problématique en ce qu’elle n’est énoncée que pour provoquer la panique parmi les populations. Pourquoi parler de « misère » pour évoquer les migrant·es alors que toutes les études démontrent leur impact positif sur les économies nationales ? Contre la xénophobie, pour l’hospitalité, dénonçant une à une les contre-vérités qui sous-tendent l’expression, le philosophe et le juriste invitent à tourner le dos au concept phobique pour reformuler cette affirmation péremptoire.
July RobertOn ne peut pas accueillir toute la misère du monde
Pierre Tevanian et Jean-Charles Stevens
Anamosa, 2022