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Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, en plein Paris, un jeune étudiant français, Malik Oussekine meurt sous les coups de la police française. Ce crime d’État reste comme l’une des premières affaires médiatiques révélant des violences policières racistes dans le pays. Elle mettra aussi en évidence les duplicités et récupérations politiques en pleine cohabitation Mitterrand/Chirac. Désireuse d’élargir son public européen (et d’augmenter au passage ses parts de marché), la multinationale Disney a ouvert il y a quelques années un bureau de production à Paris et la minisérie Oussekine (quatre épisodes) en est un des premiers résultats disponibles sur sa plateforme payante. Réalisée par Antoine Chevrollier et coécrite par les brillantes Faïza Guène et Lina Soualem, la série centre son récit sur le vécu de la famille de Malik Oussekine. On suivra donc sa mère (magnifique Hiam Abbass), ses sœurs et ses frères, leur incrédulité face au crime raciste, leurs doutes et leur combat pour la vérité, bientôt rattrappé.es par une affaire d’État. En faisant entrer le spectateur et spectatrice dans l’intimité familiale, la série choisit un angle risqué, restant tout le long sur la crête du pathos, sans néanmoins y sombrer. Ce parti pris permet aussi de raconter une histoire universelle au-delà de l’affaire : celle du quotidien des immigré·es algériens, leurs enfants et de leur histoire. C’est aussi un récit de transmission et de cultures, encore aujourd’hui niées et pourtant bien vivantes en France. On reprochera du coup au créateurs·trices d’avoir sacrifié le récit politique pourtant fondateur pour les décennies qui allaient suivre tant dans les politiques d’immigration répressives et meurtrières que dans la structuration des luttes antiracistes en France. Cet écueil important est à rapprocher des motivations de la multinationale Disney : vouloir produire une série au sujet politiquement sensible, sans pour autant aller trop loin dans le débat politique. In fine, certain·es dénonceront une récupération aseptisée, d’autres salueront la fin d’un long tabou de l’histoire française. Nous aurions tant aimé que cette série soit produite par le service public télévisé. Cela aurait permis également une audience plus large et à un prix démocratique.
Julien TruddaïuOussekine
Antoine Chevrollier
Disney, 2022