La jeune maison d’édition Anamosa a décidé de lancer une collection de petits livres, autour des mots, intitulée « Le mot est faible ». Les éditeurs sont effet convaincus que les mots importent, que leur appropriation ou leur abandon est un facteur politique important. Mais si Victor Klemperer ou Eric Hazan déconstruisaient les mots utilisés et détournés par le pouvoir, les éditeurs veulent adopter une approche plus constructive et ils ont par conséquent sélectionné une série de mots considérés comme évidents par la gauche, des mots allant tellement de soi qu’ils en sont devenus invisibles. Et quand le regard se porte à nouveau sur eux, on peine à les reconnaitre tant ils ont été dénaturés, abîmés par les défenseurs du monde établi. Partant, la maison d’édition souhaite recharger ces mots et les rendre à ce qu’ils veulent dire. Prenons ainsi le mot peuple qui « sert aujourd’hui à tout mais n’est plus nulle part. » L’historienne Deborah Cohen, dans un petit opus décapant, passe au crible les sens et usages de ce mot et vise à « reconquérir ce mot, le recharger, le rendre si terrifiant que la droite n’osera plus l’utiliser ». Cet arpentage lexical, cette volonté de reconquête sémantique sont en outre admirablement servis par diverses innovations typographiques ébouriffantes. Sont également sortis dans cette collection les mots Révolution sous la plume de Ludivine Bantingy et Ecole sous celle de Laurence de Cock. Vivement la suite !
Olivier StarquitPeuple
Deborah Cohen
Anamosa, 2019